Sonia Zannettacci présente Alberto Magnelli

Pour la sixième fois, une exposition consacrée au travail d’Alberto Magnelli (1888 – 1971) prend place dans les locaux de la galerie de la vieille-ville. Cette fois, Sonia Zannettacci se concentre sur un moment fondateur de la carrière du peintre : son Voyage à Carrare, qui a inspiré le titre de l’exposition.

Lorsqu’il visite pour la première fois les carrières de marbre de Carrare au début des années 30, l’artiste florentin est déjà au mitant de sa vie. La pratique picturale de cet autodidacte est autant influencée par les œuvres des maîtres de la première Renaissance – Uccello, Giotto, Piero della Francesca – que par celles de ses contemporains, futuristes italiens et cubistes parisiens. Après avoir expérimenté l’abstraction en 1915, il renoue avec une peinture plus figurative jusqu’à sa rencontre avec les marbres.

L’expérience du paysage des carrières durant l’été 1931 semble avoir constitué un tournant décisif dans le travail de Magnelli. Lorsqu’il découvre ces mythiques falaises dont des blocs de rochers sont extraits depuis des siècles, la fascination est immédiate : d’emblée, l’artiste réalise une série de 78 dessins à l’encre bleue entre le 2 et le 31 juillet. Il enchaîne avec des esquisses d’un plus grand format – 58 dessins à l’encre sépia – qu’il exécute entre le 2 et le 8 août. Ces croquis constitueront un répertoire visuel dans lequel Magnelli piochera allégrement durant les années suivantes afin d’élaborer ses compositions.

À la lisière du figuratif et de l’abstraction, ses Pierres paraissent totalement émancipées de leur contexte originel. Plus de paysage ni même de gravité terrestre, des blocs de marbres éclatés aux arêtes irrégulières semblent flotter en apesanteur sur la feuille. La graphie est énergique, assurée. Quelques hachures tracées à l’encre viennent (re)créer les reliefs et les ombres des pierres. La galerie genevoise en présente une belle sélection, permettant de mieux appréhender le rapport presque magnétique de l’artiste avec ce motif.

Des peintures à l’huile montrent en effet la manière dont Magnelli décline ses Pierres dans d’autres médiums. L’artiste aurait attendu près d’un an avant de réaliser ces tableaux, qu’il a peints après s’être installé à Paris en 1932. Ce qui frappe d’emblée, c’est la différence de densité entre les esquisses et les peintures. Les marbres, incontestablement, sont plus lourds dans les secondes. Quelque chose d’abrupt se dégage des toiles comme si, à la manière d’un sculpteur dégageant péniblement une forme d’un bloc de pierre, le peintre avait dû travailler la matière par le vide pour finalement parvenir à révéler sa composition. Comme si les images étaient prisonnières de la roche et que l’artiste devait les mettre à jour avec un burin devenu pinceau.

Plus tard, dans les années 40, cette façon d’expérimenter la matérialité des médiums conduira Magnelli à la technique du collage. L’exposition tire ce fil. Par leurs compositions autant que par leurs jeux chromatiques, ces collages préfigurent le retour à l’abstraction qu’Alberto Magnelli ne quittera plus. De très belles estampes datant de la même époque révèlent leurs subtiles nuances de teintes et de textures, ouvrant la voie aux compositions rigoureusement rythmées et colorées qui feront sa signature par la suite.

 

Pratique : du 18 novembre 2024 au 28 février 2025

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