Philippe Meyer architecte
Philippe Meyer, lauréat de nombreux prix et distinctions, vit et travaille à Genève. Architecte mais également designer et architecte d’intérieur, conférencier et membre de la Fédération des Architectes Suisses (FAS)
Pourquoi avez-vous choisi l’architecture ?
Pour être d’emblée très honnête, je n’ai aucun souvenir du jour où cette évidence s’est présentée à moi.
Cela restera un mystère.
Cependant, dès mon plus jeune âge, j’ai aimé photographier les édifices les plus représentatifs de lieux visités en famille, les églises, les chapelles, peut-être est-ce là que s’est dessiné cet intérêt pour la chose bâtie.
Quel a été votre parcours ?
J’ai étudié l’architecture dans ma ville de naissance Marseille.
J’ai eu alors la chance formidable d’avoir comme professeur l’un des collaborateurs les plus fidèles du grand architecte Fernand Pouillon dont aujourd’hui encore je reste un très grand admirateur. Puis au sortir de l’Ecole, après un passage par Lyon auprès d’une grande agence, j’ai, parce que de nationalité Suisse, décidé de venir travailler d’abord à Fribourg puis à Berne, ville dans laquelle j’ouvris mon premier bureau, pour finalement le transférer à Genève, il y a bientôt trente ans. Parallèlement à mon travail de collaborateur puis d’indépendant, j’ai eu l’opportunité magnifique d’enseigner le projet d’architecture à Zürich (EPFZ) puis à Lausanne (EPFL) pendant 14 ans. Ce fut une expérience particulièrement riche. Mon agence a réalisé une installation lors de la Biennale d'architecture de Venise en 2018. En 2023, j'ai réalisé une exposition du mobilier de Diego Giacometti dans les espaces de représentation de la Délégation Suisse auprès de l'OCDE.
Par ailleurs, je dirige depuis 2009, la revue Faces, journal d’architecture.
Quelles qualités ou compétences sont indispensables pour réussir dans cette profession ?
La curiosité. L’intérêt pour le travail de ceux qui dans la plus parfaite cohérence de leur œuvre vous ont précédé. Le goût du détail, de la matière, du savoir-faire des artisans.
Est-ce que des connaissances en histoire de l’art sont nécessaires ?
C’est indispensable. Il n’y a pas d’architecture sans référence à l’Art.
L’architecture ne se nourrit pas uniquement d’architecture, l’ensemble des arts est une source constante d’inspiration et d’exemple de quintescence.
Où se trouvent les meilleurs exemples d’architecture contemporaine ?
Je dirais partout. Dans toutes les cultures. Dans la compréhension en chaque lieu de ce qui fait sa qualité, son caractère, pour les transformer et les transmettre dans une forme qui dépasse le temps présent mais qui est infiniment du temps présent.
Quels sont les architectes et/ou artistes qui comptent pour vous ?
La liste est longue… Il y a cependant des grands maîtres incontournables, Mies van der Rohe, Carlo Scarpa, Louis Kahn, Paolo Mendes da Rocha...
Les artistes sont innombrables, mais si je devais en citer là aussi quatre, je dirais Alberto Giacometti, Pablo Picasso, Lygia Clark, ou Annie et Josef Albers mais je pourrais citer également des musiciens ou des photographes.
Où puisez-vous votre inspiration pour créer et vous distinguer des autres ?
Chez eux ! Dans leur capacité de synthèse, de concision, de simplicité, mais surtout dans l’émotion que leurs œuvres procurent.
L’architecture, elle aussi, doit produire de l’émotion.
Fusionnez-vous l’art et la technique dans vos projets ?
La technique, mais plus prosaïquement le savoir-faire, par l’intelligence de celui qui travaille la matière, celle qui structure autant que celle qui habille, permet de réaliser ce dont rêve l’architecte dans l’aboutissement de sa pensée, issue oui le plus souvent d’une inspiration offerte par l’art.
Laissez-vous une place à l’imprévisible ?
Toujours !
Celui d’une maquette qui, malencontreusement renversée ou retournée, va révéler une autre vision du projet en cours, ou celui du chantier, où in situ apparaissent des solutions ou des décisions que le dessin ne montre pas.
Êtes-vous plutôt habitat individuel ou espace collectif ?
Ni l’un, ni l’autre ou plutôt les deux.
Seuls la nature du lieu, son paysage, son contexte en décident.
Quelle est la partie la plus difficile du processus de conception et de construction d’un bâtiment ?
En premier lieu, arriver à convaincre un Maître d’ouvrage du bien-fondé de l’appel à un architecte et de la confiance à lui accorder.
Ensuite, l’administratif sous toutes ses formes et ses normes.
Enfin, le respect de la qualité de construction exigée.
Quelle est la nouvelle orientation dont a besoin l’architecture du XXIème siècle ?
Un abandon de la fausse « culture » du design, de l’image sans matière.
Les images de synthèse sont une aide indéniable au développement de l’idée, à son élaboration, mais ne sont que le reflet clinique de la réalité bâti.
Quels matériaux privilégier pour la construction des bâtiments et respecter l’environnement ?
Il n’est aujourd’hui, et ce, sans tomber dans un absolu écologique,
Pas nécessaire d’employer majoritairement des matériaux synthétiques. Contrairement d’ailleurs à la sacrosainte transition écologique qui, et qui plus est bénéficiant de subventions, prône isolation et panneaux solaires hautement consommateurs d’énergie et non recyclables. Le béton, qui reste une excellente solution, le bois, le liège et bien sûr la pierre sont à privilégier.
Quelles doivent être les préoccupations futures en matière d’urbanisme dans le Canton de Genève ?
La première, essentielle, le respect des habitants et du paysage.
Il y a un véritable abandon de la rive droite !
Si vous n’avez pas les moyens de vivre rive gauche ou bords du lac, vous êtes condamnés à une architecture bon marché, c’est inadmissible !
Il faut mettre un terme à ce processus d’abandon et commencer par prendre les choses par le bon bout, construire le sol, bâtir des parcs. Comme cela s’est fait dans les années ’60 à Meyrin ou à Vernier.
Ensuite et seulement ensuite, imaginer des logements.
Pas des logements « sociaux », des logements ! Que signifie ce vocable social, d’emblée dévalorisant ?
Comment gérez-vous les éventuelles différences de vision avec un urbaniste, un ingénieur ou un client ?
C’est une dichotomie de pensée survenue dans les années ’80.
Ces trois entités doivent former un tout et œuvrer dans le même sens, celui de la qualité, c’est-à-dire de l’exploitation maximale de l’espace, de l’air et de la lumière.
Comment le métier d’architecte a-t-il évolué depuis que vous avez commencé votre carrière ?
Je dirais mal. Internet a modifié le regard sur l’architecture pour l’assimiler à une forme dévoyée de décoration.
C’est inquiétant et cela se ressent sur le paysage bâti que nous pouvons observer. 95% de ce qui se construit n’est que construction, seuls 5% est architecture.
Un conseil aux jeunes architectes ?
Continuez à croire que c’est possible, que c’est la culture qui sauvera l’architecture et que la culture, ce n’est pas internet, la culture ce sont les livres, la culture, ce sont les arts,
La culture, c’est la vie !
De quel(s) projet(s) êtes-vous fier ?
La fierté c’est d’être encore là, se battre encore pour faire et faire le mieux qu’il soit possible et en avoir toujours envie.
L’impatience augmente avec la connaissance.