Gallery Brulhart – Willys Kezi Niangi
À travers ses dessins évocatifs sur papier Kraft, l’artiste Congolaise Willys Kezi Niangi remet en question les clichés véhiculés sur les femmes par les réseaux sociaux, avec beaucoup de verve et d'(auto) critique. A voir à la Gallery Brulhart.
Willys Kezi Niangi
Des corps de femmes puissantes qui ne se cachent pas. Ne se cachent plus. Des corps libres : « I’m free in Paris ».
L’exposition « Bois de Boulogne », présentée par la Gallery Brulhart, met en lumière le travail de l’artiste Willys Kezi Niangi. Originaire de la République démocratique du Congo, elle vit à Paris depuis plusieurs années.
C’est là-bas qu’elle a rencontré les personnes qui ont inspiré sa série sur les travailleur.euse.x.s du sexe transgenres du bois de Boulogne. Si le sujet ne la concerne pas directement, il s’inscrit parfaitement dans la démarche intersectionnelle de Willys Kezi Niangi, dont les créations sont traversées par les questions du néocolonialisme, du racisme et des violences sexuelles.
Pour cette série, l’artiste a rencontré différentes travailleur.euse.x.s du sexe au bois de Boulogne ou à son atelier. Ses dessins ont ensuite été inspirés par son imagination ou par des images trouvées sur internet, et personne n’a posé pour elle. Les sujets de ses œuvres sont des muses davantage que de modèles. Au vu de la dimension engagée et sociale de son travail, on n’en attendait pas moins de Willys Kezi Niangi.
La galerie des Eaux-Vives présente une quinzaine d’œuvres de l’artiste. La majorité d’entre elles composent la série « Bois de Boulogne », mais deux grandes peintures d’une autre série, où l’artiste revisite les toiles tahitiennes de Paul Gauguin, sont également exposées. On sort des enjeux d’actualité pour se confronter à l’Histoire. À l’histoire de l’art tout du moins. Une histoire jalonnée de corps de femmes exotiques, sexualisées, objectifiées, que l’on peut associer à la situation des travailleur.euse.x.s du sexe immigrées. Par sa démarche éminemment politique, Willys Kezi Niangi œuvre à faire entendre leurs voix.
Une énergie paradoxale traverse l’exposition. On est d’abord frappé par la crudité et la violence qui se dégagent des œuvres. Des corps sans tête, mais avec des seins, des fesses et des sexes (masculins et féminins) hypertrophiés. Des corps amputés, privés de leur visage, de leur voix, de leur identité, et qui ne sont que des objets de consommation. Des corps exploités. Objectifiés.
Sur des morceaux de cartons (récupérés par l’artiste auprès des travailleur.euse.x.s du sexe qu’elle a rencontrées) ou de papier kraft recyclés, Willys Kezi Niangi a tracé de grandes figures solitaires. Les couleurs vives, presque acides, contrastent avec leurs contours sombres. Des pans du support sont laissés nus, l’artiste n’entend pas dissimuler. Un côté brut se dégage de l’ensemble.
Le style graphique éminemment narratif de Willys Kezi Niangi inscrit leurs histoires à-même leurs corps. Personnages, fragments de textes, objets quelconques, des souvenirs intimes se mêlent aux questions économiques et politiques. Les luttes quotidiennes de ces gens se lisent sur leurs membres, un peu à la manière d’une bande-dessinée. Le statut précaire de ces travailleur.euse.x.s ne fait aucun doute. Les éléments mis en avant par Willys Kezi Niangi rappelle les dangers qui les guettent. Violées, violentées, ces personnes sont presque toujours des victimes. Le travail de l’artiste est là pour le rappeler.
Pourtant, une puissance certaine se dégage de ces figures. Elles sont visibles, colorées, vivantes. Marquées par la vie, par les épreuves, elles sont toujours-là, plus vibrantes que jamais. Elles sont monumentales. En s’approchant, on voit que des strass et des paillettes scintillent sur les vieux morceaux de carton.
Par son exploration des formes visuelles et sa joyeuse improvisation chromatique, Willys Kezi Niangi rend hommage à la beauté triomphante des corps féminins. À première vue crues, ses peintures ouvrent avec bienveillance une fenêtre sur un monde qui met en avant la féminité sous toutes ses formes et la célèbre dans toute sa diversité.
Pratique :
du 18 janvier au 28 mars 2024 Galerie Brulhart – Eaux-Vives – Genève