Alerte rouge n°5, 2017, dispersion et acrylique sur bâche, 253 x 220 cm

Walter Schmid – Alerte rouge

Joseph-Charles Farine
4 juin 2021

Né en 1936 d’une famille d’artisans, d’agriculteurs et de vignerons, le peintre Walter Schmid vit à Genève. Le choix de ses thèmes constitue un témoignage critique et angoissé de l’univers qui nous entoure et auquel nous participons. Walter Schmid a représenté successivement le monde de la boxe, des engins mécaniques, des insectes géants et des chauves-souris. Il traite également de l’univers carcéral, des conflits armés, des menaces sur l’environnement, des espèces menacées et des catastrophes humanitaires,

 

Un assaut immobile[1]

Qu’est-ce qui fait peindre Walter Schmid sinon la fureur face à la cruauté du monde ? Cette violence il l’a faite sienne et l’a compulsée dans des séries aux thèmes évocateurs : la boxe, la prison, l’Iliade. Il l’a traduite chaque fois avec un lexique pictural précis, le choix de la sobriété du noir et blanc, la décision définitive d’un support pauvre : les bâches reconverties qui deviennent alors le lieu d’une scénographie ou les pinceaux semblent avoir été brandis comme des armes face au drame pour « en relever la dimension nerveuse des démons »[2]. Dans ce nouveau cycle, Walter Schmid traite du scandale monstrueux de la disparition d’espèces animales par la sauvagerie de l’homme. Une capacité ravageuse peut vivre au fond du genre humain, elle se nomme l’inhumanité. La force de la maculation et la présence des giclures dans les œuvres en question apparaissent comme autant de signes menaçants. L’espace pictural est habité d’une texture survoltée au-delà de son statut d’image immobile. En sous-jacence est signifié et pointé le désastre destructeur de l’homme sur la nature.

Alerte rouge n°1, 2017, dispersion et acrylique sur bâche, 495 x 180 cm

Pontormo définissait la peinture comme « un linge d’enfer ». L’emportement sanglant est bien celui des individus qui tuent par intérêt financier. Il y a dans le geste du peintre ici une révolte immense qui prend forme dans la radicalité du geste. Le sacrifice animal est contenu dans la facture graphique. Ces bêtes semblent plus vraies que nature. Elles sont là, statiques, mais la peinture n’est-elle pas une façon d’explorer en assumant la solitude de l’atelier ? On a lâché les fauves, mais à quel prix ? Celui de l’extinction. Le dégoût de la tuerie peut être peinture aussi et l’angoisse de la mort fait crier à la vie. Face à cette emprise mortifère des humains sur les animaux, un cri d’alarme : « Alerte rouge ! », même si cette clameur a pour forme d’aujourd’hui le parti-pris du noir d’un certain désespoir, et du blanc de l’innocence d’espèces en quête de survie.

Alerte rouge n°2, 2017, dispersion et acrylique sur bâche, 325 x 298 cm

texte de Joseph-Charles Farine

Pratique : jusqu'au 5 juin 2021 – Galerie Andata Ritorno - Rue du Stand 37 – 1205 Genève

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/andataritorno

 

[1]Franz Kafka

[2]Yannick Haenel