Margherita del Balzo et Miranda Roux – Archétypes – Ferme de Marsillon
Margherita del Balzo dessine et peint sur des papiers qu’elle fabrique elle-même. Des petits formats aux très grandes œuvres, elle nous emmène pour une promenade dans la Nature. Dans la campagne genevoise, la ferme de Marsillon reçoit pour l’exposition « Archétypes », l’artiste Miranda Roux.
Margherita del Balzo ouvre son atelier et les parties annexes de cette bâtisse centenaire à la sculpteur Miranda Roux pour une exposition à la Ferme de Marsillon à Troinex.
Les deux femmes ont fusionné leurs deux univers pour en créer un nouveau, autour de la Nature. La taille des différentes pièces du lieu permet d’intégrer à la scénographie toute sorte de mobilier qui viennent s’intégrer aux œuvres des deux artistes. Nature, poésie, mythologie sont réunis avec beaucoup de sensibilité par Margherita et Miranda pour une création artistique composées de scènes théâtrales. Chaque recoin du majestueux bâtiment est habité par le récit des artistes.
Quand et comment l'art est entré dans votre vie ?
Margherita del Balzo : Depuis toute petite, je dessinais, bercée par la mythologie de ma vie natale, Rome. Mon grand-père a planté les graines de la poésie et la vie a fait le reste.
Miranda Roux : L’art est rentré dans ma vie par la porte ! La grande porte de l’enfance, libre et joyeuse avec la chance d’être dans un milieu familial qui trouvait normal de passer son temps à dessiner et bricoler.
Pourquoi le titre « Archétypes » ?
Margherita del Balzo : Parce que c’est le thème qui sous-tend toutes nos créations. Derrière chaque image se cache une histoire humaine qui transcende l’anecdote personnelle. Le mot "archétype" est utilisé ici dans le sens que Jung lui donnait dans ses écrits: un concept universel de l'inconscient collectif de l’humanité, présent aussi bien dans les contes populaires que dans la littérature, les religions ou la mythologie.
Miranda Roux : Les sentiments de déjà vu, les synchronicités vécues et partagées, l’iconographie symbolique, les mythologies et les contes font parties des sujets de conversations animées avec Margherita en préparant cette exposition, le titre Archétypes est devenu une évidence.
Dans cette exposition, le mobilier est mis à contribution en faisant partie intégrante des œuvres ?
Margherita del Balzo : Oui, en particulier dans la salle du rez-de-chaussée que nous avons aménagée comme si c’était une maison particulière en utilisant les meubles présents. Ce qui contribue à la rendre chaleureuse et familière.
Miranda Roux : La Ferme de Marsillon comme dans « de la cave au grenier » de Gaston Bachelard, est une poétique de l’espace, cette magnifique grange aménagée en galerie, la charpente colossale, les étroits escaliers de meunier, les meubles de familles de bois sombre sont une invitation aux songes… on a comme l’impression que les souvenirs, les joies, les rires d’enfants émanent des murs pour se métamorphoser en sculptures et dessins.
Etes-vous inspirée par la Nature ?
Margherita del Balzo : Je fais partie de la Nature, en quelque sorte je suis une facette de la Nature. Il s’agit d’essayer de me déployer et de m’épanouir comme elle le fait. De façon organique. Quand j'y arrive, c’est jouissif !
Miranda Roux : Je ne me m’imagine pas être inspirée par autre chose ! Chaque semaine, je participe à un atelier d’académie et je tente dessiner un modèle vivant, et c’est toute la nature dans la complexité infinie du corps, les reliefs de montagnes, la profondeur des vallées, les arbres de veines sous la peau, les os qui affleurent les surfaces, les organes qu’on devine…
La Nature vous plonge-t-elle dans une introspection ?
Margherita del Balzo : Oui. Observer la Nature c’est comprendre un tout petit bout de monde. La complexité de ses manifestations règlent notre existence.
Miranda Roux : Oui, Les espaces infinis… Trouver sa place face à la beauté de la nature, trouver sa place comme artiste avec l’œuvre derrière nous de tous ces artistes reconnus ou amateurs qui se sont probablement posés ces mêmes questions.
Pensez-vous que la Nature dissimule de l’optimisme ou du pessimisme ?
Margherita del Balzo : Je pense que la Nature n’a pas de volonté, c’est nous qui la regardons avec un oeil optimiste ou pessimiste.
Miranda Roux : Dans la sculpture de Carpeaux Ugolin mange ses fils. La nature aussi dévore ses enfants, une violence extrême avec une tendresse de résilience.
Les racines sont très présentes dans les dessins de Margherita et dans les sculptures de Miranda. Est-ce que la vérité se dissimule dans les racines ?
Margherita del Balzo : Les racines sont un archétype formidable de notre attachement à notre enfance, aux êtres et aux endroits fondateurs de notre vie sur terre. Assumer ses propres racines, les aimer ou faire la paix avec elles, ça fait partie de cette fameuse introspection.
Miranda Roux : Le mycélium avec ces filaments en réseau sous les racines des arbres joue un rôle vital en contribuant à augmenter l’efficacité de l’absorption de l’eau et des nutriments. Enfant, j’étais en connexion avec ce monde souterrain et chtonien, maintenant j’en ai la nostalgie et j’essaie de la transcrire dans mon travail.
Qu’exprimez-vous lorsque vous reliez par le fil plusieurs oeuvres ensemble ? Un relais ?
Margherita del Balzo : Pour moi il y a toujours un fil conducteur entre une oeuvre et une autre, comme les mots d’une même phrase.
Miranda Roux : Le fil fragile qui nous relie aux rêves et qui disparaît au réveil, le fil passerelle entre des imaginaires, le fil qui nous retient de tomber dans les abimes, le cordon qu’il faut couper pour naître…
Entre la vie et la mort. Deux accueils où tout s’épanouit et tout se fâne. L’Homme peut-il résoudre ses problèmes existentiels en étudiant comment fonctionne la Nature ?
Margherita del Balzo : Je ne crois pas que l’on puisse résoudre nos problème existentiels. Et je ne pense pas être capable de comprendre le fonctionnement de la Nature. Je me contente d’observer ce que je vois, modestement. Trait par trait. Si je m’y intègre, je pense qu'au mieux, je peux l’apprivoiser…
Miranda Roux : Être artiste c’est aussi une forme de jardinage, à partir d’un compost de feuilles mortes et décomposées, une nouvelle floraison est possible.
L’harmonie est-elle une condition dans votre travail ?
Margherita del Balzo : Je travaille aussi quand je vis des conflits difficiles. En revanche, je cherche dans mes dessins un équilibre et une harmonie qui me permettent d'exprimer les choses difficiles à dire sans brutaliser les visiteurs innocents.
Miranda Roux : Il y a des rares moments de félicité, quand on travaille son art, quand l’inspiration, la couleur, l’équilibre des formes résonnent en harmonie.
Biographie :
Margherita del Balzo, née en Italie en 1962, est une dessinatrice. Ses trajectoires entre Europe , Afrique et Asie ont marqué son art. Après des études aux Beaux Arts de Paris, elle a travaillé et exposé dans divers pays, notamment les Philippines, la France, l’Italie, le Burkina Faso, le Cambodge et la Thaïlande, avant de s'installer en 2011 à la Ferme de Marsillon à Troinex, dans le canton de Genève. Son papier, fabriqué à partir de fibres végétales et teintures, devient la toile de son imagination, guidant ses dessins au trait au fil de ses mouvements. Ses œuvres se composent de traits de plume inlassables, créant des paysages, des architectures, en miniatures ou en grand format, mêlant rêve et réalité, figures humaines et animalité. Ces dernières années, Margherita ouvre son atelier et sa ferme à l'art, créant la monnaie alternative de Troinex, le "marsillon", et invitant d'autres artistes qu'elle apprécie à exposer leurs œuvres à la Ferme de Marsillon.
Miranda Roux, née en 1959 au Danemark, a grandi dans un milieu artistique à Paris, développant ses talents en dessin et en gravure sur cuivre dès l'enfance. Après des études de danse classique et un apprentissage en sculpture sur pierres fines et lithographie aux Beaux-arts de Paris, elle a perfectionné ses compétences en travaillant avec l'orfèvre Bent Gabrielsen au Danemark, notamment la technique de la cire perdue et le ciselage des métaux précieux. Dans son atelier de Genève, elle crée des sculptures de style figuratif-onirique en céramique et en cire, puis les transforme en sculptures en bronze avec le fondeur genevois SwissArt Edition. Miranda expose ses œuvres en Suisse, en France et au Danemark.
Pratique :
Jusqu’au 15 octobre 2023 « C’est un voyage enchanteur à travers l’imagination fertile des deux artistes. Une expérience immersive où les enfants sont invités à laisser libre cours à leur créativité. »
Ferme de Marsillon – 40 route de Marsillon – 1256 Troinex – Genève.
Ouvert du mercredi au dimanche de 15h à 18h
Contact : T. +41 (0)79 626 17 39