Le MAMCO et son journal
Le MAMCO publie désormais son « journal » L’occasion d’un entretien avec son directeur Lionel Bovier, qui explique la raison d’être de ce nouveau projet éditorial.
Pourquoi avoir créé une telle publication ?
Le MAMCO Journal nous permet de rendre compte au(x) public(s) de nos actions au sein de l’institution. C’est le moyen de diffuser une information plus large que celles portées par des cartons d’invitation, que nous avons d’ailleurs cessé de produire. Le premier numéro documente ainsi des expositions de 2016 et 2017, telles que celles réalisées autour de questions aussi diverses que le(s) retour(s) de l’expressivité depuis les années 1960, la circulation des images et leur « corporéalité » ou les relations de la scène genevoise avec la scène new-yorkaise des années 1980. La rubrique « Feature » introduit un format plus long que celui de « Rear View » : nous y publions un extrait d’un texte de Christophe Cherix sur Kelley Walker et d’un essai de Tristan Garcia sur Wade Guyton.
D’autres rubriques ?
La rubrique « Preview » donne évidemment des informations sur les futures expositions, tandis que « On View » apporte des précisions sur les expositions en cours. Enfin, un certain nombre de rubriques informent sur la vie du musée et ses activités. Il faut comprendre qu’une institution muséale n’a pas pour objet d’enchaîner les expositions, mais bien de raconter l’histoire d’un temps court, à travers sa collection – une collection qui demande à être complétée, enrichie, expliquée et transmise. C’est ce qui définit notre ADN et nous distingue d’autres lieux d’exposition pour l’art contemporain.
À qui s’adresse le journal du MAMCO ?
À notre public, issu d’horizons divers et de plusieurs pays, raison pour laquelle le journal est écrit en français et en anglais. Fort d’un mailing de 10’000 personnes, le journal est largement diffusé, évidemment en priorité en Suisse et en France, mais aussi à l’international. Une version numérique sera bientôt disponible en parallèle de la version papier. Il est aussi bien destiné aux visiteurs occasionnels qu’au(x) monde(s) de l’art (artistes, galeristes, responsables d’institutions avec qui nous sommes en contact, etc.). Il est proposé aux visiteurs du musée, habitués et touristes, comme un complément à la visite. Pour l’instant, le coût du journal est inclus dans le billet d’entrée plein tarif. Les tarifs réduits et exonérés doivent en revanche l’acheter, au prix de 5 CHF.
Combien d’exemplaires imprimez-vous ?
Au total, ce sont près de 20 000 exemplaires qui seront édités deux fois par an : début février et en juin. L’idéal serait de publier trois numéros par an, mais pour l’heure nous n’avons pas les ressources (humaines) nécessaires.
ITW Lionel Bovier, directeur du MAMCO
« Une nouvelle interface avec le public du musée »
Rédigez-vous les textes, outre ceux mentionnés plus haut, en interne ?
En effet. L’équipe de conservation participe activement à la rédaction. La liste des auteurs figure dans le colophon du journal. Nous publions par ailleurs des textes tirés des ouvrages que nous éditons et allons aussi réaliser des entretiens spécifiquement pour ce support. C’est une manière de montrer la diversité de nos actions au sein du musée. L’impression qu’une exposition chasse l’autre, selon le régime du spectacle, n’est pas le reflet du travail accompli dans un musée. L’œuvre doit être également documentée, analysée, expliquée, contextualisée. Le journal est le moyen de faire état de ce processus.
En ce début d’année, vous traitez du Lettrisme et de l’Internationale Situationniste. Quelles questions vous mobilisent aujourd’hui ?
Nous tentons de cerner une problématique historiographique et artistique différente à chaque séquence d’expositions. Notre approche se veut historique et en lien avec ce qui se passe dans le monde. Les expositions se complètent, mais pourraient aussi se contredire ou tout du moins jouer du contraste, pour enrichir notre perception des problématiques envisagées. Nous voulions par exemple évoquer le mouvement du Pop Art l’été passé, à l’occasion de la rétrospective consacrée à Kelley Walker. Sachant que nous ne disposons pas suffisamment d’œuvres internationales pour embrasser le sujet, nous nous sommes concentrés autour du « Pop suisse ». Longtemps on a dit que le Pop Art n’avait pas eu d’impact en Suisse, du fait de l’importance d’une dialectique particulière entre l’art abstrait et le néo-Dadaisme. L’historiographie récente montre néanmoins que, pendant un court laps de temps, des artistes ont été très visiblement influencés par ce courant, tels que Markus Raetz, Rico Weber ou Frantz Gertsch. Ces artistes ont produit une version vernaculaire du Pop, mais qui atteste clairement du regard qu’ils portaient soit sur le Pop Art en Angleterre, soit aux Etats-Unis.
Le musée fait donc œuvre de pédagogie. Cela commence d’ailleurs avec des ateliers pour enfants.
Nous organisons des rendez-vous adaptés dès l’âge de trois, quatre ans. Nous proposons des formations aux enseignants qui encadrent les enfants et les adolescents. La médiation permet d’éveiller les jeunes publics au domaine de l’art, mais également de mettre en relation les œuvres avec l’expérience qu’en font des contemporains. La médiation pose aussi la question de l’accessibilité de l’art ; c’est pourquoi l’offre doit être variée et savoir s’adapter. Le MAMCO reçoit presque chaque jour un groupe pour une visite accompagnée.
Qu’en est-il de la relation aux publics spécialisés ?
Mon travail est bien évidemment d’offrir à celles et ceux qui s’intéressent aux développements récents de l’art des références historiques aux pratiques artistiques contemporaines. Designers, artistes, architectes et passionnés qui viennent se nourrir au musée doivent y trouver leur compte, autant que les touristes ou les primo-visiteurs. Si concevoir un projet ancré dans la société représente l’une de nos missions fondamentales, il faut savoir revenir sur le passé pour comprendre le présent. Cette année, nous nous posons par exemple, par l’entremise de l’exposition « Die Welt als Layrinth », la question de l’héritage de mai 68 : est-il transmissible ? Qu’en retiennent aujourd’hui les personnes âgées d’une vingtaine d’années ? Des slogans ? Des images ? Savent-ils que dix ans avant le mois de mai 1968, des artistes en avaient formulé les concepts fondamentaux ?
Votre vision du musée de demain ?
Beaucoup de questions se posent. L’une d’entre elles est au cœur de l’exposition actuelle du deuxième étage, « Art & Entertainment », soit comment l’art a réagi à la question du spectacle entre les années 1960 et 2000. De manière sous-jacente c’est aussi l’une des questions que nous nous posons : comment s’adapter au fonctionnement de l’industrie culturelle, qui n’est pas celui de la culture. L’industrie culturelle est ce qui transforme la culture en bien de consommation. La production cinématographique, l’industrie musicale organisent la vente de produits conçus pour un public ciblé. Le musée doit-il entrer dans cette logique ? Nous pensons que non, même s’il peut être intéressant de connaître les outils que cette industrie utilise pour promouvoir des contenus simplifiés, afin de mieux diffuser les contenus complexes que nous tentons d’organiser…