Georgia O’Keeffe | Centre Pompidou
Première rétrospective de Georgia O'Keeffe (1887-1986), au Centre Pompidou. Georgia O'Keeffe est considérée comme l'une des plus grandes figures de l'art nord-américain du du XXᵉ siècle. Cette exposition est organisée par le Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid, le Centre Pompidou, Paris, et la Fondation Beyeler, Riehen/Bâle, en collaboration avec le Georgia O’Keeffe Museum, Santa Fe.
Prendre le temps de voir - Au centre Pompidou à Paris, se tient la première rétrospective de la peintre Georgia O’Keeffe. L’une des plus grandes figures américaines du XXème siècle.
Cette dernière est la première femme à s’imposer auprès des critiques, des collectionneurs et des musées d’art moderne. D’abord comme la promesse de quelque chose, elle devient très vite l’affirmation emblématique de la possibilité en tant que femme d’être ce qu’elle par son essence.
A 28 ans l’artiste ne cesse de peindre et de dessiner. Elle est alors professeur au Columbia College.
Une amie, Anita Pollitzer, décide d’envoyer certains des dessins de l’artiste à la prestigieuse Galerie 291 à New York dont le propriétaire est Alfred Stieglitz - également une figure de la photographie d’avant-garde.
« Enfin une femme sur papier ». Alfred Stieglitz
C’est cette première exposition qui lance la peintre et dessinatrice au sein de la scène avant-gardiste new-yorkaise.
C’est toutefois sans l’autorisation de Georgia O’Keeffe que Alfred Stieglitz accroche certains de ses dessins au sein d’une exposition de groupe.
La peintre apprend que ses œuvres sont aux murs de la galerie 291 et exige que les quelques dessins soient décrochés sur-le-champ, action que le propriétaire de la galerie refuse. Il va même jusqu’à prolonger l’exposition.
« Vous n’avez pas plus le droit de garder ces images pour vous que de priver du monde un enfant. » Alfred Stieglitz
Année après année, jusqu’en 1946, jusqu’à la mort de Alfred Stieglitz, sont exposées à la Galerie 291, les œuvres de Georgia O’Keeffe.
La nature est sans doute le sujet de prédilection de l’artiste.
Chez la peintre, on ressent une exaltation de la nature qui va au-delà de la simple contemplation esthétique, cette façon de peindre quasi systématiquement le végétal s’impose comme un besoin, comme une chose essentielle et fondamentale. Les aquarelles sont profondes et transcendent la barrière purement illustrative. Il y a une émotion insufflée par l’artiste elle-même, ses impressions sensorielles, ses pensées. Le trait y est quasi abyssal, plus que de la poésie, c’est une philosophie qui est contemplée. Les fleurs sont comme sacralisées, érigées à l’état d’icône.
Au Centre Pompidou, plusieurs des toiles exposées qui ont pour sujet la nature ont été réalisées lorsque Georgia O’Keeffe se rendait à la campagne, dans la propriété de Alfred Stieglitz.
Son affection très particulière et fusionnelle pour le sujet naît durant l’enfance lorsqu’elle peint des fleurs puis lorsqu’elle assiste à des cours de nature morte à la Art Student League.
Il y a également la série Nude, des nus d’apparence féminine, fluide, sur papier, qui rappelle les figures de Auguste Rodi. Gerogia O’Keeffe avait eu l’occasion de les admirer en 1908 à la Galerie 291. Ici encore, le trait est toujours léger, quasi nébuleux. Quelque chose de l’ordre du sacré de l’inatteignable...
En 1925, alors qu’elle s’installe avec Alfred Stieglitz au cœur de New-York, au Shelton Hotel, les gratte-ciels lui inspirent vingt tableaux. Elle dit avoir été galvanisée par l’altitude. Elle décide donc de peindre la mégapole malgré les doutes émis autour d’elle.
« …Bien sûr, on m’a dit que c’était impossible – même les gars ne s’en étaient pas très bien sortis. Depuis mon adolescence on me disait que j’avais des idées absurdes donc j’étais habituée, et j’ai poursuivi mon idée de peindre New-York. »
On y retrouve cette même légèreté dans le trait, toujours ce sentiment très visionnaire.
En 1929, Georgia O’Keeffe part au Nouveau Mexique, on donne à disposition à l’artiste un atelier au sein de la communauté d’artistes qui s’y trouve. La peintre est fascinée par le désert. Il y retourne chaque année, sans Alfred Stieglitz qui n’apprécie pas la chaleur. En 1946, après le décès de celui partage sa vie, elle s’y installe pour de bon.
« … Le soir, quand on a le soleil dans le dos on dirait un océan, on dirait de l’eau » Georgia O’Keeffe
De ce séjour naîtrons plusieurs toiles.
Afin de donner une autre dimension à son œuvre, celle du vivant, l’artiste peintre collecte des objets depuis toujours, plumes, os, coquillages, feuilles, pierres, cornes, crânes d’animaux. Ces objets sont des «sensations », des symboles qui sont, selon elle, façonnés à l’image des paysages qu’elle rencontre. Ils viennent alimenter son œuvre, la nourrir.
Après la mort de Alfred Stieglitz, l’artiste toujours en quête d’avant-garde peint le ciel comme un nouveau dialogue. Ceci coïncide également avec les multiples voyages qu’elle entreprend à travers le monde entier. C’est un sentiment d’infini qui s’en dégage.
La fusion empreinte dans chacune des toiles végétales de Georgia O’Keeffe est ressentie depuis tous ses premiers dessins jusqu’à toutes ses dernières peintures. C’est avec passion, vision et féminisme que l’artiste appréhendait chacune de ses toiles, une fleur, un gratte-ciel, une route, un désert, une femme, un os - entière et toujours soutenue par Alfred Stieglitz.
En 1972, Georgia O’Keeffe ne voit plus. Elle peint cependant sa dernière peinture à l’huile à l’aide de sa mémoire seule.
En parlant de la fleur elle dit
« …Cependant d’une certaine façon – personne n’a vu ce qu’était une fleur – vraiment – c’est si petit – on n’a pas pris le temps – et voir prend du temps, comme se faire des amis prend du temps (…). »
Voir prend du temps.
Georgia O’Keeffe – Rétrospective
Centre Pompidou, Paris France – Jusqu’au 6 décembre 2021
Fondation Beyeler, Bâle Suisse – du 23 janvier au 22 mai 2022
Monographie chez Citadelles & Mazenod
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