Editart, un éditeur pas comme les autres
Orlando et Dolorès Blanco. Editart, l’éditeur genevois a produit des centaines d’ouvrages illustrés mais également des gravures d’artistes dont Zao Wou-Ki, Miró, Tàpies, Calder, etc.
Orlando Blanco, Cubain d’origine, vous quittez votre pays en 1967.
Comment le diplomate que vous étiez est-il devenu éditeur d’art ?
En effet, pour diverses raisons personnelles et politiques, j’ai dû quitter mes fonctions diplomatiques et je me suis installé à Genève. J’ai obtenu un travail aux Nations Unies et, parallèlement, j’ai commencé à éditer des gravures et des livres illustrés avec le concours de mon épouse Dolores.
Nous avons reçu l’appui de nombreux amis dont le poète Jacques Dupin, à l’époque directeur artistique de la Galerie Maeght à Paris. Nous étions également introduits et soutenus par Giorgio Upiglio à Milan, grand maître-imprimeur internationalement connu.
Avez-vous pris des risques pour défendre des artistes, aujourd’hui devenus célèbres ?
L’édition illustrée a toujours été risquée, mais à notre avis les auteurs que nous avons choisis sont de bons artistes, poètes et philosophes.
Quels sont les grands artistes du XXème siècle que vous avez connu ?
Nous avons connu de nombreux artistes qui étaient déjà célèbres comme Joan Miró, Alexander Calder, Antoni Tàpies, Zao Wou-ki, Eduardo Chillida, Antoni Clavé, Claude Garache, Paul Rebeyrolle, Rufino Tamayo, Enrico Baj… Les écrivains/poètes comme Yves Bonnefoy, Michel Butor, Jean Starobinski, José Angel Valente, Georges Haldas, Sylviane Dupuis, Pierre-Alain Tâche, Maria Zambrano, …
Est-ce que l’édition vous a permis de conjuguer poésie littéraire et poésie artistique ?
Pourquoi avoir voulu ce dialogue ? Et avec qui ? Y avait-il un message particulier à vos préoccupations ?
La rencontre littéraire avec des illustrateurs est connue depuis longtemps. Je me rappelle d’un entretien de Radio Lac lors duquel on nous a posé la même question. J’ai répondu que le livre d’artiste était né avec les peintures rupestres sur les parois des cavernes. Mais où étaient les poèmes, a demandé le journaliste. J’ai répondu qu’à chaque coup de pierre, le son, le bruit, l’écho était le poème. Enfin, une boutade pour s’amuser.
Vous avez beaucoup fréquenté Michel Butor, quelle a été votre collaboration ?
Nous avons rencontré Michel Butor lorsqu’il enseignait la littérature française à l’Université de Genève. Notre collaboration a commencé en 1984 avec l’édition de son magnifique texte « L’Office des Mouettes » illustré par Cesare Peverelli. A cette époque, Michel a réalisé dans notre galerie de grands manuscrits de 2 m de longueur, illuminés par Cesare Peverelli, que nous avons appelés « Kakémonos », et qui ont été présentés dans notre galerie de l’avenue Pictet-de-Rochemont à Genève.
Nous avons édité de nombreux textes de Michel avec divers artistes, « Lueurs sur le cœur » avec Kouji Ochiai, « La roseraie inachevée » avec Masafumi Yamamoto, « Salomé » (30 poèmes) et « Les ombres des vignes » avec Rachid Koraïchi, « Sous le signe du gris » avec Yuri Kuper, etc.
Michel adorait le livre d’artiste et il en a réalisé presque 3'000 au long de sa vie.
Avez-vous édité des artistes cubains ?
Nous avons édité plusieurs artistes cubains et avons fait des expositions importantes : Voici certains noms : Juan Abreu, José Bedia, Cundo Bermudez, Jorge Camacho, Joaquin Ferrer, Enrique Gay Garcia, José Maria Mijares, Baruj Salinas, Carlos Boix, Ramón Alejandro… Egalement avec des poètes cubains comme Carlos Franqui, José Lezama Lima, Zoé Valdés…
Comment sont réalisés les ouvrages ? Avez-vous pensé une ligne éditoriale ? Se ressemblent-ils graphiquement ou sont-ils des champs ouverts à l’expérimentation ?
Nous laissons carte blanche aux auteurs pour les images et les textes. La mise en page et la réalisation sont assurées par nous-mêmes.
Où et comment sont diffusé vos ouvrages ? (où peut-on les acquérir)
Les ouvrages peuvent être acquis chez nous. Les commandes peuvent se faire par courrier, par e-mail : d.blanco [at] editart.ch ou par téléphone : 022 348 96 60 ou 078 805.82.22.
Racontez-nous une anecdote avec un artiste ?
A l’occasion de la signature du livre « Le désordre » dans l’atelier du livre de l’Imprimerie Nationale à Paris, Zao Wou-ki, qui était assis à côté d’Yves Bonnefoy, se moquait gentiment de lui, demandant de temps en temps avec un sourire malicieux « Yves, n’es-tu pas fatigué »… C’était passionnant de voir l’admiration que l’un portait pour l’autre.
Le Directeur de l’atelier, Christian Jourdain, était présent et a envoyé quelques mois plus tard l’ouvrage pour exposition à la prestigieuse « Grolier Club Library » à New York.
Vous êtes dans le métier depuis 50 ans, votre épouse Dolores vous accompagne depuis 50 ans, quel regard portez-vous sur cette passion qui a comblé votre vie et votre âme d’artiste ?
Mon épouse Dolores m’a accompagné tout au long de cette aventure. En effet, cette aventure a comblé notre vie. La rencontre avec tant d’intéressants personnages créatifs était très enrichissante, peintres, sculpteurs, écrivains, poètes et philosophes.
Que proposez-vous dans la très belle demeure du « Nouveau Vallon de Chêne-Bougeries » pour fêter les 50 ans d’Editart ?
L’exposition actuelle au Nouveau Vallon est un bref panorama des œuvres éditées par nous pendant 50 ans de travail. Nous vous proposons de jeter un coup d’œil à notre site : www.editart.ch
Vous verrez de toutes les couleurs.
Passionné, dynamique, Orlando, ce n’est pas votre jeune âge (90 ans) qui vous freinera dans vos rêves. Quels projets ?
En ce moment, je n’accepte que des projets à court terme, disons 20 ou 30 ans ! Mais blague à part, Editart réalise une édition annuelle destinée aux membres du Cercle des Amis d’Editart. Cette année nous avons eu l’honneur d’éditer une belle édition intitulée «De la lumineuse opacité des signes » contenant une gravure originale du peintre Simon Edmondson et 4 poèmes de José Angel Valente. La prochaine édition paraîtra en mars 2021.
Espérons que le virus couronné quitte ce monde au plus vite pour le bien de tous et pour nous permettre de réaliser les deux expositions à venir célébrant nos 50 ans.
https://www.artageneve.com/lieu/galeries/editart-d-blanco