Béatrice Helg
Chaque image est conçue comme une mise en scène de théâtre, pour un champ de vision unique, à savoir l'appareil photographique. C'est avant tout un travail d'espace, lumière, matière.
Née à Genève en 1956, vous exposez en ce moment à la Galerie Sonia Zannettacci. A cette occasion une monographie a été publiée aux éditions 5 Continents. Après des études de violoncelle à Genève, vous poursuivez des études de photographie aux Etats-Unis.
VK : Vos photos sont créées dans votre atelier avec un dispositif (une mise en scène) où des espaces architecturaux sont montés sur plusieurs plans et avec différents matériaux.
Peut-on parler de photographie construite ?
BH : Certainement, mon travail s'inscrit dans le mouvement de la photographie construite qui a vu le jour dans les années 80.
Passionnée de musique, sensible à la notion d'espace, de temps, à l'architecture, la mise en scène (de théâtre et surtout d'opéra), c'est tout naturellement que je me suis mise à construire mes photographies en atelier, à créer des mondes abstraits qui n'existent que par la lumière. Sculptures ou architectures éphémères, ce sont des "vues de l'esprit" dont il ne reste que des images.
Où puisez-vous votre inspiration ?
L'expérience du réel, de la vie, l’instant bouleversant d’une rencontre, d’un événement, la contemplation d'un paysage sublime ou d'un tableau... la musique, l'opéra, sont autant de sources d'inspiration extraordinaires ! Ces expériences suscitent en moi des émotions fortes, elles s'inscrivent dans ma mémoire et ressurgiront peut-être, un jour, sous une autre forme dans mon travail.
Est-ce que votre intérêt pour l’opéra et le théâtre vous influence dans l’élaboration de vos mises en scène ?
Chaque image est conçue comme une mise en scène de théâtre, pour un champ de vision unique, à savoir l'appareil photographique. C'est avant tout un travail d'espace, lumière, matière. Ma passion pour la musique influence certainement la manière avec laquelle je travaille la lumière et la couleur : jouant avec des opposés, l'obscur et la lumière, le transparent et l'opaque, le lourd et le léger. Les harmonies ou les tensions créées ont, me semble-t-il, quelque chose de très musical.
Attachez-vous de l’importance à la technique dans votre photographie ?
J'attache plus d'importance à l'essence du medium qu'est la photographie qu'à sa technique.
La photographie est une écriture de lumière – de l’obscur et de la lumière dans l’espace. Elle me permet d’explorer l’invisible, l’insoupçonné, l’espace du dedans. C’est une autre manière d’appréhender, de questionner le réel, la vie, le monde.
Quant à la technique, elle n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'expression. Dans chaque domaine de création, qu'il s'agisse de photographie, de peinture, sculpture, écriture ou musique ... il est indispensable - et normal - d'avoir une certaine maîtrise de la technique utilisée !
Quelle importance donnez-vous à l’apesanteur ?
Dans mes photographies, des éléments paraissent souvent en lévitation, sur le point de prendre leur envol. Plutôt que d'apesanteur, je parlerais d'ouverture, de possible, d'élévation, d'aspiration.
Quelle est la force de la lumière artificielle ?
La création de chaque œuvre est l'aboutissement d'un long processus. Je travaille une image pendant des jours, voire des semaines. C'est un travail de lumière dans l'espace qui nécessite beaucoup de précision et de contrôle. Des éclairages artificiels me permettent de sculpter minutieusement l'espace et la matière.
Faut-il y comprendre un message ?
Mon travail est l'expression d'un cheminement de pensée, d'une intériorité. Plus que d'un sujet ou message précis, je parlerais d’une ouverture, du jaillissement d’une émotion, d'une quête d'absolu, d'une épiphanie ou d’un mystère à découvrir. Chacun est invité à appréhender ces images avec sa sensibilité, à en faire sa propre expérience.
Pratique : https://www.artageneve.com/lieu/galeries/galerie-sonia-zannettacci