Pokemon aux enchères
Aguttes met en aux enchères des Pokémon. La vague vient d’Amérique où un exemplaire, rarissime bien sûr, s’est vendu en 2023 pour plus de cinq millions de dollars à un influenceur.
J’avais zappé. Je n’avais rien vu venir. Il faut dire que le sujet me dépasse. Je n’y ai jamais joué. Question de génération, sans aucun doute. En 2023 une carte Pokémon, très rare comme de bien entendu, s’est vendue 5 275 000 dollars, acquise par Logan Paul. Un influenceur de 28 ans. La chose l’a bien entendu fait entrer dans le Guinness Book « comme la carte la plus chère jamais achetée ». Un événement comme celui du NFT à 69 millions de dollars en 2021. Notez que plus personne ne semble parler de NFT aujourd’hui. Le sujet est retombé comme un soufflé, et à la même vitesse.
Une quatrième vacation
Pour ce qui est des Pokémon, c’est une autre paire de manches. Pour certains, il s’agit déjà d’une tranche d’histoire. Il ne faut pas oublier non plus que les enchères sont depuis des années aux mains de vieux enfants voulant oublier leurs jeunes rides. Ou alors des fanatiques de ce que l’on appelle un peu abusivement le luxe. Il n’y en a dans certaines maisons de ventes à l’affût de niches plus que pour les sacs à main, les souvenirs d’anciennes vedettes ou les débarras d’hôtels cinq étoiles en attente de rénovation. A Paris, Aguttes s’est ainsi mis aux cartes de collection. La société propose ainsi jusqu’au 22 octobre sa quatrième vente en ligne. Elle communique beaucoup sur le « highlight » de cette session. Il s’agit d’un Pikachu Illustrator gradé PSA (1998 Promo). Une telle carte passe « pour la première fois en Europe ». Son prix reste modestement estimé entre 150 000 et 300 000 euros. « C’est un must have pour les plus grands amateurs de Pokémon », assure son expert en la matière. « Détenir cet objet les fait entrer parmi les ensembles mondialement uniques ». On constate ici que l’unicité est devenue un concept élastique.
Qu’offre donc d’extraordinaire la plaquette ? Elle a été créée par Atsuko Nishida, designer mythique en Pokémon. Son design représente Pikachu illustrant joyeusement Charmander et Mew. Au départ, elle allait aux gagnants de la première et de la deuxième place d’un concours de CoroCoro Comics en janvier 1998. Il n’y en avait en tout que 23. Il en existe seize supplémentaires créés pour des compétitions ultérieures. Peut-être en fait davantage. Certains exemplaires inconnus se sont en effet vus récemment authentifiés. On croirait entendre parler d’un Michel-Ange ou d’un Cézanne. De toute manière, c’est ici du rêve qui se retrouve à vendre. L’étonnant reste surtout le prix. Il donne une idée de l’argent qui circule dans certains pays, concentré dans peu de mains. Il donne aussi un signal que d’aucuns jugeront un peu inquiétant. Les plus grosses enchères ne vont désormais plus fatalement à des œuvres d’art considérées comme des trophées. Une nouvelle génération a passé à autre chose, qui regarde cependant plutôt vers le passé que le présent. Logan Paul est en effet né la même année que les Pokémon…
Etienne Dumont
Paru dans bilan.ch le 16 octobre 2024 – Texte de Etienne Dumont