À Paris, la Fondation Louis Vuitton, en collaboration avec le MoMA de New York et le SMK (Statens Museum for Kunst) de Copenhague, accueille l’exposition « Matisse, L’Atelier rouge » , consacrée à la genèse et à l’histoire du célèbre tableau. En plus des œuvres du peintre, l’exposition s’enrichit par ailleurs de documents d’archive inédits et d’œuvres éclairant le contexte de création et l’aventure de cette peinture. 

 

Ce chef-d’œuvre, à la limite de l’abstraction, a été peint en 1911. Le rouge total de la toile, qui vient tout oblitérer, s’inscrit ici comme un geste artistique radical, bien en avance sur son temps. Un peu trop même, l’œuvre ayant peiné à trouver un acquéreur pendant plus d’une quinzaine d’années. La reconnaissance vient plus tard, de l’autre côté de l’Atlantique. C’est à New York que le tableau se révèle dans toute son importance, la toile faisant partie des plus célèbres du MoMa depuis son acquisition en 1949.

Mais il faut commencer par le commencement. L’artiste s’attache à transmettre l’atmosphère de son lieu de travail davantage que la pragmatique réalité – les murs de son atelier étaient en fait gris. Mais pas dans son tableau. « Dans mon atelier le sol est rouge sang-de-bœuf comme dans les carrelages provençaux ; le mur est rouge ; c’est comme si le sang s’était infiltré pour tout teindre ; les meubles sont rouges entourés d’un fil d’or mat. Ce rouge est comme une nuit chaude à l’intérieur de laquelle, venant de la fenêtre à gauche, une intense lumière fait naître ou plutôt ressusciter les autres objets ». Dans L’Atelier rouge, Henri Matisse (1869-1954) représente son atelier et les peintures, sculptures et objets décoratifs qu’il contient. Pour la première fois depuis qu’elles ont quitté l’atelier du peintre à Issy-les-Moulineaux, ces œuvres sont réunies dans une même exposition. 

Le cœur de l’exposition est donc constitué de L’Atelier rouge et de six peintures, trois sculptures et une céramique reproduites dans le tableau, réalisées entre 1898 et 1911. Certaines sont célèbres, tel Le Jeune Marin (II) (1906), d’autres moins connues ; d’autres encore ont été identifiées récemment. Pour Bernard Arnaud, président de la Fondation, « le peintre voulait montrer son atelier non seulement comme un lieu de vie et de création, mais aussi comme le musée imaginaire de la première partie de son œuvre. L’Atelier rouge de Matisse est un monde en soi qui se dévoile sous nos yeux, un univers enchanté, à la fois merveilleux et familier ».

Le tableau a été peint dans la suite des œuvres commandées par Sergueï Chtchoukine, le plus fidèle et le plus audacieux des premiers mécènes de Matisse. Ce n’est qu’à un stade tardif de l'exécution du tableau que Matisse choisit de recouvrir la majeure partie de la surface d'une couleur uniforme, le rouge de Venise. L'Atelier rouge demeure l'une des expériences les plus complexes de sa carrière, et une tentative pour repenser la peinture moderne. Une tentative trop précoce sans doute. Si Chtchoukine achète immédiatement L’Atelier rose, il refuse d’acquérir L’Atelier rouge. Le tableau reste en possession de Matisse pendant seize ans. L’Atelier rouge est finalement acquis en 1927 par David Tennant, fondateur à Londres du Gargoyle Club où se croisent aristocrates et artistes. Le tableau demeure dans ce club jusqu’au début des années 1940, avant d’être acheté par un galeriste new-yorkais. Enfin, en 1949, L’Atelier rouge entre au MoMA. Commence alors sa seconde vie. 

À partir de 1949 en effet, les artistes de New York et tous ceux qui sont de passage s’arrêtent devant cette peinture dont la nouveauté radicale est soudain redécouverte. Matisse lui-même est revenu, à la fin des années 1940, à ce qui faisait la spécificité de l’œuvre de 1911 : son « abstraction », due à la présence obsédante du rouge, en dépit d’une description précise des objets familiers du peintre. Il conçoit une nouvelle série de tableaux prenant également pour sujet son environnement quotidien, notamment le Grand Intérieur rouge de 1948, prêté par le Centre Pompidou, qui rejoint la collection du Musée national d’art moderne en 1950.

Le dialogue entre L’Atelier rouge de 1911 et le Grand Intérieur rouge de 1948 est particulièrement mis en lumière dans l’exposition de la Fondation, montrant à près de quarante ans de distance la relecture par Matisse de son tableau précurseur au moment où le travail du peintre connaît à nouveau une profonde mutation. Les deux peintures poursuivront par la suite leurs vies parallèles, fondatrices pour d’innombrables artistes américains et européens.

« L’Atelier rouge, qui a maintenant plus de cent dix ans, est à la fois un point de repère dans la tradition séculaire des peintures d’atelier et une œuvre fondamentale de l’art moderne », déclare Ann Temkin, conservatrice en chef au MoMA. « Ce tableau demeure une pierre de touche pour tout artiste s’aventurant à représenter son atelier. La décision radicale de Matisse de saturer la surface de l’œuvre d’une couche de rouge a fasciné des générations d’artistes, parmi lesquels Mark Rothko et Ellsworth Kelly. Cependant, il reste encore beaucoup à explorer pour ce qui concerne l’origine et l’histoire du tableau ».

 

L’exposition a été conçue par Ann Temkin, conservatrice en chef au MoMA - the Marie-Josée and Henry Kravis Chief Curator of Painting and Sculpture - et Dorthe Aagesen, conservatrice en chef au SMK, avec le concours des Archives Henri Matisse.
L’exposition « Matisse, L’Atelier rouge » a été présentée du 1er mai au 10 septembre 2022 au MoMA à New York et du 13 octobre 2022 au 26 février 2023 au SMK à Copenhague.

Commissariat : Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, et François Michaud, assisté de Magdalena Gemra

Pratique : 

Du 4 mai au 9 septembre 2024, la Fondation Louis Vuitton présente une exposition événement consacrée à L'Atelier rouge (1911) d'Henri Matisse (1869-1954)

https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/matisse-l-atelier-rouge