Kiki Smith – Les corps sacrés de la Nature

par Nafsika Guerry-Karamaounas
6 octobre 2020

Ici, chez Pace Gallery, les œuvres sélectionnées pour l’occasion sont principalement axées sur la Nature et le sacré. 

La fascinante Kiki Smith bouscule, questionne, réinterprète encore une fois les codes et les aprioris sociétaux dans cette nouvelle exposition à la Pace Gallery de Genève. Un mélange de sculpture, de tapisserie, de peinture, de dessin - l’artiste pluridisciplinaire et très instinctive réussit à créer une homogénéité qui interpelle.

Kiki Smith, Sungrazer VI, 2019, bronze, 93" × 40" × 2-3/4" (236.2 cm × 101.6 cm × 7 cm), Edition of 3 + 1 AP © Kiki Smith

L’exposition fait écho à la grande rétrospective de l’artiste au Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (MCBA), qui a lieu en ce moment même. L’évènement retrace près de quarante années de travail de Kiki Smith. On note la tapisserie à l’entrée de la galerie, la toute première qui fait partie d’un corpus de 12 tapisseries, toutes réalisées entre 2012 et 2017, par les éditions Magnolia, les onze autres sont montrées au MCBA.

Kiki Smith, Earth, 2012, cotton Jacquard tapestry, 9' 5" × 76' (287 cm × 2,316.5 cm) © Kiki Smith

Ici, chez Pace, les œuvres sélectionnées pour l’occasion sont principalement axées sur la Nature et le sacré. 

Sa fascination pour le corps humain et féminin particulièrement est vivement ressentie. La femme est un élément clé du travail de Kiki Smith, cette thématique est absolument consubstantielle aux deux premiers thèmes.

La sculpture en bronze, qui porte le nom de Sun, exprime très bien ce lien étroit. Ce bronze reflète à la fois la femme, la nature et le mysticisme. Sun arbore la forme d’un tronc, on y décèle des pointes – sans doute des tétons. La femme incarne ici la nature, la femme est un corps de la nature, la sève produite nourrit la terre, le monde. 

De facto :   la femme est sacrée.

En effet, artiste, engagée, féministe, Kiki Smith, défend corps et âme la femme et lui offre une place quasi cosmique. 

A travers les œuvres, l’animal fait aussi partie de ce cosmos, et partage le monde avec l’homme de façon égale, ou plutôt occupe avec l’homme, côte à côte la terre.

Son travail fait table rase des dichotomies, il n’y a plus de barrière entre le masculin, le féminin, entre l’Homme et l’animal, entre la matière et le spirituel.

Au détour d’un tableau, on retrace un peu d’histoire de Smith puisqu’elle expose à la galerie avec Richard Tuttle qui a été l’assistant de son père Tony Smith, pionnier de la sculpture minimaliste américaine. C'est à ses côtés qu'elle apprend à dessiner. 

Son histoire se poursuit par des signes, disséminés de ci-de-là, dans presque chacune de ses œuvres. C’est comme un conte qui est parcouru à travers l’œuvre de l’artiste américaine. On la sait très inspirée par les grands contes classiques. On découvre des éléments cachés qui racontent des histoires et qui se lient entre eux, avec cette idée de continuité, de quelque chose qui se régénère et qui intrinsèquement implique la mort. Le cycle.

Kiki Smith, Oak Leaves IV, 2018, bronze, 11-1/4" × 10-1/2" × 2" (28.6 cm × 26.7 cm × 5.1 cm) © Kiki Smith

Les trèfles présentés sous forme de relique, associent la nature au sacré et vice-versa mais ils rappellent également les origines irlandaises de la plasticienne. Kiki Smith ne valorise en aucun cas le d’où vient-on ? mais au contraire le banalise, d’une certaine façon, ici, par le trèfle et signifie qu’en dépit de nos origines, nous sommes tous liés à la nature. Elle est notre souche originelle.

L’œuvre de l’artiste présente une certaine vulnérabilité, vulnérabilité des corps, vulnérabilité du trait. Cette vulnérabilité touche et s’accorde au tout. 

L’œuvre de Kiki Smith est poignante et opère comme un combat pugnace d’une extrême douceur. 

Kiki Smith, ©PaceGallery

1954 naissance à Nuremberg, Allemagne

1976 s'installe à New-York

1990, exposition personnalle au Museum of Modern Art, New York

2009 Prix des femmes artistes Brooklyn Museum

2016 Lifetime Achievment Award, International Sculpture Center

2017, prix Honorary Royal Academician par la Royal Academy of Arts, Londres

L'artiste a exposé dans plus de 25 musées dans le monde entier

L'oeuvre de Kiki Smith a été présentée à 5 Biennales de Venise

Kiki Smith vit et travaille à New York.

 

Pratique

Light, Kiki Smith

Pace Gallery, Genève, jusqu'au 31 octobre 2020

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/pace