Jean Dubuffet au MEG
La nouvelle exposition du MEG de Genève s’intitule « Jean Dubuffet, un barbare en Europe ». L’évènement est une collaboration avec le Mucem de Marseille et l’IVAM, l’Institut d’Art Moderne de Valence en Espagne, qui réunit plus de 300 œuvres d’art brut provenant des plus grandes collections suisses et européennes.
Jean Dubuffet (1901-1985) fut un acteur majeur de la scène artistique du XXème siècle. Il est né en 1901 au Havre dans une famille bourgeoise de négociants en vin en Normandie. Il travaillera dans l’entreprise familiale puis la quittera dès 1934 pour se vouer totalement à l’art.
Le titre de l’exposition au MEG est un clin d’œil au livre du poète belge Henri Michaux Un Barbare en Asie. L’écrivain se rend compte qu’en terre étrangère, en terre « barbare », là où les mœurs et la culture sont différentes alors il est le barbare.
« Dubuffet, un barbare un Europe », évoque sans doute aussi quelque chose de l’ordre du « primitif » terme toujours réfuté par l’artiste lui-même qui refusait toute hiérarchisation de l’art.
Dans un entretien pour l’exposition « Jean Dubuffet un barbare en Europe » du Mucem, Isabelle Marquette, conservatrice du patrimoine du musée dit :
«... Dubuffet s’intéresse aux cultures extra-occidentales, longtemps supposées « primitives », mais conteste l’usage de ce qualificatif. Il réfute les notions d’« art primitif » ou de « culture primitive ». Pour lui, il n’y a pas de hiérarchie en art, il n’y a que de l’invention. Il considère que le « primitif » est une invention de l’Europe pour coloniser le monde. »
Enfin, dans le contexte social actuel d’exodes multiples ce titre interpelle et vient s’ancrer comme une question tout à fait contemporaine et essentielle, Isabelle Marquette le souligne également.
Bien que l’inventeur de l’Art Brut soit au cœur de l’exposition, l’accent est mis sur sa venue en Suisse peu après la Seconde Guerre Mondiale, à l’été 1945 sur invitation de l’office du tourisme du canton de Vaud. C’est alors que Jean Dubuffet visite le Musée d’Ethnographie de Genève, y découvre des objets d’Afrique et d’Océanie et rencontre son directeur Eugène Pittard. Puis il découvre les travaux des aliénés à l’hôpital Bel-Air grâce au psychiatre Charles Ladame qui lui montre son petit musée de la folie, constitués de dessins de ses patients malades mentaux.
Ces rencontres auront pour conséquence de changer fondamentalement sa vision de l’art. C’est ainsi que l’art brut va naître.
En parlant de la Suisse et de la relation que possède la Confédération avec la culture, Dubuffet note une certaine distance avec elle, quelque chose de plus international « une sorte de distance à l’égard de la culture. Ils sont plus internationaux, moins inféodés à une culture officielle ».
L’artiste interroge les valeurs de la société occidentale, s’interroge et remet en question l’œuvre, il se sent lui aussi « barbare » en Europe. Chez les Helvètes, Dubuffet parvient à cette notion d’art brut et invente en 1945 le terme de « l’Art Brut » qui désigne les productions des personnes exemptes de culture artistique, plutôt rebelles et en marge de la société. Il y regroupera d’ailleurs à Lausanne la collection de l’art brut.
Parmi les 300 œuvres proposées, il y a évidemment celles de Jean Dubuffet qui a été le premier théoricien et le plus important collectionneur d’art brut mais il y a aussi des d’objets provenant d’autres musées d’ethnographie ou d’hôpitaux psychiatriques. On y trouve également des pièces de la collection du Musée d’Ethnographie de Genève comme, par exemple, les masques suisses de carnaval valaisan du Lötschental.
L’Art Brut rend compte de la recherche incessante qu’a été la vie de Jean Dubuffet, une quête de l’œuvre, de l’art mais aussi une quête personnelle, celle de la place l’homme.
Force est de constater que la recherche faisait partie intégrante de la vie de l’artiste et que son art fût l’un des plus prolifique comme peintre, sculpteur et écrivain.
Au MEG de Genève, c’est la troisième version de cette exposition qui a été présentée tout d’abord au Mucem de Marseille puis à l’Ivam, l’Institut d’Art Moderne de Valence. Le développement de la narration est enrichi dans chaque exposition.
L’exposition dont le commissaire est Baptiste Brun est organisée avec le concours de la Fondation Dubuffet et la Collection de l’Art Brut à Lausanne dirigée aujourd’hui par Sarah Lombardi.
Pratique
Musée d’Ethnographie de Genève jusqu’au 28 février 2021.
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