Être(s) ensemble au MEG
«Être(s) ensemble», le MEG questionne de manière originale les relations entre les humains et la nature. Peut-on communiquer et se comprendre entre espèces différentes ? Pour essayer de répondre à cette question, le MEG présente six relations particulières qui se sont nouées entre des humains, des végétaux et des animaux.
Être(s) ensemble au MEG
Est-il possible pour les êtres humains de communiquer avec d’autres espèces ? Peut-on essayer de comprendre le langage des végétaux et des animaux, du lichen au mammifère, en passant par le chêne et le scarabée ? « Être(s) ensemble » est une invitation à mobiliser tous nos sens pour mieux appréhender le vivant. Une exposition du MEG à voir jusqu’au 7 janvier 2024.
Repenser l'humain et l'environnement
L’histoire humaine est marquée par la quête d’un langage commun pour comprendre ce monde vivant dont les humains font partie. Nombre de « traductrices et traducteurs interespèces» se sont relayé.es dans l’effort de nouer un dialogue avec la nature. Des tentatives, passées et présentes, que le MEG documente dans sa nouvelle exposition « Être(s) ensemble ». Le public est invité à découvrir les jalons de cette quête épique d’un langage commun, à comprendre comment des êtres humains ont cherché à identifier et à traduire les « signaux » de la nature. Le constat de la place vitale que chaque être occupe dans le monde interconnecté du vivant questionne aujourd’hui la justesse de notre manière d’être au monde et propose d’observer, ailleurs, d’autres possibilités, afin de construire, petit à petit, une meilleure manière d’être ensemble.
La voix d’Elsa Daynac donne le ton dès les premiers mots de l’audio-guide: « Qui que vous soyez, chat, humain, enfant, loutre, cerisier, bienvenue au MEG… », une invitation à se placer sur le même niveau que les autres espèces. La déambulation commence au paradis, représenté par une tour de Babel peuplée d’animaux, de plantes et de figures humaines. Dans les mythes et les textes sacrés de toutes les cultures, le miracle du paradis réside dans la communion du vivant et le partage d’une langue commune. La perte du paradis est la fracture originelle de l’harmonie du vivant, marquant la fin d’un langage universel et de l’osmose entre animaux, végétaux et humains. Qui est responsable ? Bien que la présence des sculptures d’Ève et Adam évoque la Chute de la Bible, l’exposition attire notre attention sur d’autres légendes. Par exemple, un conte hindou raconte que la faute revient au moustique quand il suce le sang pour la première fois, semant la discorde entre les espèces. Une légende kabyle blâme un lièvre étourdi: alors qu’il doit délivrer le message sacré de la Lune annonçant l’immortalité du monde vivant, le lièvre se trompe et proclame sa finitude.
Pour se consoler, légendes et textes sacrés racontent l’histoire de protagonistes capables de renouer le dialogue avec la nature, à l’image de Salomon, de Saint-François d’Assise et d’Orphée, qui avait le don de communiquer avec le vivant et le divin, et dont la musique devenait ainsi la nouvelle « langue du paradis ».
L’exposition met également à l’honneur des acteurs et actrices d’aujourd’hui – végétaux, animaux, humains – ayant développé d’extraordinaires relations d’amitié, de proximité, de tendresse. Sans être dotés de dons légendaires, ces « nouveaux Orphées » sont des exemples de compagnonnages interespèces. Citons la relation exceptionnelle qui unissait Souris, une des meilleures combattantes de la race d’Hérens et l’éleveuse Marie-José Jacquod, dévouée à la Reine jusqu’à sa mort. Ou encore Cornelia Hesse-Honegger, dessinatrice et peintre scientifique dans le domaine des mutations génétiques. Dès les années 1970, elle dessine les punaises des bois, dont les couleurs et les tâches évoluent au contact de la pollution et des radiations. La souffrance des insectes, rendue visible par leur robe déformée émeut la scientifique, au point qu’elle ne dessine et ne peint plus que les malades. En fin de parcours une installation ravira petits et grands, permettant d’emprunter les yeux d’une araignée ou d’un chat. L’exposition se termine avec l’œuvre magistrale « Econtinuum », par l’artiste Thijs Biersteker et le botaniste Stefano Mancuso, un hommage délicat et vibrant à la communication végétale.
« Même si elles ne réussissent que par bribes et par intermittence, les tentatives des « nouveaux Orphées » questionnent notre rapport à la nature, comprise comme une composante inhérente de notre humanité », rappelle le MEG. La quête d’un langage commun à toutes les espèces pourrait être une gageure, car nous sommes en effet encore bien loin du compte, de plus l’ethnographie ne prétend pas détenir la vérité, seulement poser des hypothèses à partir d’indices. Pleine d’embûches, la quête d’une harmonie retrouvée au sein du vivant a le mérite de nous rapprocher des plantes et des animaux, de nous « désanthropocentrer » tout en douceur. « Être(s) ensemble » est une invitation à l’empathie, à se mettre à la place des autres et s’inscrit dans une réflexion plus large menée par le MEG sur un mode de vie plus juste et plus respectueux de la planète.
Le résultat prime sur le chemin mais parfois le chemin est plus important que le résultat.
Pratique :
Être(s) ensemble
Musée d’Ethnographie de Genève
5 mai 2023 - 7 janvier 2024
https://www.artageneve.com/lieu/musees-fondations/meg-musee-dethnographi...