Denis Asch
L’exposition Regards du photographe Denis Asch, présentée à la galerie Patrick Gutknecht met en scène 27 photographies, qui dialoguent avec une sélection de pièces d’arts décoratifs allant des années 1920 à 1970.
Fasciné par les animaux sauvages depuis l’enfance, Denis Asch (1969) met ces derniers au cœur de son travail artistique. Le photographe étant également horloger, on retrouve dans sa double carrière un même goût du défi technique, de la précision et de la rigueur au service du beau. L’exposition Regards présentée à la galerie Patrick Gutknecht met en scène 27 photographies, qui dialoguent avec une sélection de pièces d’arts décoratifs allant des années 1920 à 1970.
En 2001, Denis Asch réalise son premier safari. C’est là que naît sa passion pour la photographie d’animaux sauvages, qui le séduit par ses exigences techniques autant que pour la beauté des instants de vie sauvage qu’il parvient à capturer. Depuis, il retourne chaque année en Afrique. Son équipement argentique a cédé la place à du matériel toujours plus perfectionné, les innovations technologiques étant particulièrement précieuses dans le domaine de la photographie animalière où les contraintes sont nombreuses. Ainsi, Asch ne travaille jamais au flash – pour ne pas éblouir les animaux et risquer d’abîmer leurs yeux –, il doit patienter durant des temps d’attente parfois interminables dans l’espoir de capturer la bonne image et doit souvent composer avec des modèles peu coopératifs.
Le photographe ne semble néanmoins pas gêné par ces éléments, qui pour lui font partie du travail. Une bonne photographie se mérite, même si des instants de grâce peuvent survenir devant l’objectif. L’énorme majorité des images qu’il réalise ne sont pas conservées. En plus du challenge technique, en particulier des réglages en fonction de la lumière qui change parfois rapidement, le photographe est confronté à des animaux sauvages qui, par définition, ne posent pas. Un mouvement, un son, un geste maladroit et les modèles s’éloignent, l’opportunité est manquée. Même un coup de vent amenant une odeur humaine peut suffire à les faire fuir.
À bien des égards, c’est un travail ingrat. Sur près de 3’000-3’500 photographies prises durant un voyage, le photographe n’en retient qu’une trentaine qui soient réellement exploitables, soit à peine 1 %. Il ne s’appuie pas sur la prise de photos en rafales, ne voulant pas « faire de la vidéo » : chacune de ses images est prise de manière intentionnelle, même si le hasard joue également un rôle. Le travail de post-production est limité à la correction de la lumière ou au passage au noir et blanc, mais Asch refuse absolument d’altérer ses photographies par du montage : ses images sont ce qu’il a vu, il s’attache à témoigner avec honnêteté de ses rencontres avec la faune africaine.
C’est là que réside toute la puissance de son travail. En visitant l’exposition et en échangeant avec l’artiste, que l’on peut parfois rencontrer à la galerie, on ne peut qu’être saisi par la passion avec laquelle il parle de la nature, de la beauté de la savane et de ses habitants. Les photographies présentées à la galerie Patrick Gutknecht ont toutes été prises au Kenya, en Afrique du Sud, là où la nature et les animaux sont les plus respectés selon Asch. Le photographe insiste sur le rôle de ses guides et des traqueurs locaux, qui, grâce à leur synergie particulière avec l’environnement, lui permettent de trouver les animaux qu’il capture avec son objectif.
Sur les cartels, les heures des prises de vue sont indiquées à côté des titres des tirages. Selon Asch, cela participe à montrer que les photos ne se prennent pas n’importe quand. Les heures les plus favorables sont à la lisière du jour, tôt le matin ou au coucher du soleil, lorsque la lumière est la plus belle. Sinon, les ciels sont trop clairs ou trop voilés, les paysages comportent trop d’ombres, et les compositions doivent être particulièrement fortes pour mériter d’être conservées. Un autre pan de la personnalité du photographe se devine à la lecture des titres – souvent de petits clins d’œil humoristiques – qui font référence à des films, des chansons, ou des citations tirées de la pop culture.
Asch réalise des portraits saisissants des animaux, surtout des grands félins qui le fascinent tout spécialement. Il aime capter les regards des animaux – le titre de l’exposition est révélateur à cet égard – et se connecter à eux. Il les voit, mais eux aussi le regardent, il est chez eux et n’est qu’un invité de passage, tandis qu’ils sont les maîtres des lieux.
Même à des milliers de kilomètres, au cœur d’une galerie de la Vieille-Ville de Genève, cette prestance des grands fauves, des girafes graciles ou des éléphants majestueux ne s’estompe pas. La scénographie y est sans doute pour beaucoup. La galerie Gutknecht ne se contente pas de présenter des photographies dans l’éternel espace vide aux murs blancs : sa spécificité consiste à exposer les œuvres de manière à les faire dialoguer avec les arts décoratifs. L’exposition « Regards », conçue entre les deux, y gagne un supplément de charme : le mobilier design est un cadre particulièrement adapté pour les images de Asch, la pureté des lignes d’un meuble faisant écho à celle des grands animaux tant prisés par le photographe.
Pratique :
Du 2 mai au 31 juillet 2024 à la Galerie Patrick Gutknecht – Vieille Ville de Genève
Visites commentées par l’artiste jeudi 30 mai à 18h et samedi 8 juin à 11h
https://www.artageneve.com/lieu/galerie/galerie-patrick-gutknecht