Pierre Huber, collector

by L'Art à Genève
5 janvier 2022

Pierre Huber, directeur de la galerie Art & Public pendant 35 ans à Genève, collectionneur d'art contemporain vit aujourd'hui entre la Suisse, le Portugal et la Colombie.

 

Votre rôle dans le monde artistique ? 

L’art est une passion pour moi et mon activité dans ce domaine m’a permis de développer ma curiosité et d’explorer avec beaucoup de privilèges sur le terrain la création depuis l’intérieur comme galeriste, curateur, collectionneur en contact avec les acteurs de l’ensemble du monde artistique cela a été très positif pour ma vie.

La mondialisation a été mon moteur et de suivre son évolution tout en y participant de façon très active, c’était les années 80 qui ont marqué le début de la mondialisation et création des foires et biennale internationale, exposition internationale domaine où j’étais très actif. C’est aussi à ce moment que j’ai participé à la réorganisation de la foire de Bâle et à la création de la première grande foire internationale en Chine à Shanghaï  "SHContemporary" en tant que curateur. Je m’intéresse à mon époque.

Quel a été le déclic ?

La soif d’explorer des terrains inconnus et de vouloir évoluer. Mon grand-père suisse-allemand était collectionneur de timbre et je passais mes vacances d’été à Aarau dans une pièce mansardée et la nuit je me réveillais pour regarder  sa collection de timbres avec beaucoup de curiosité, c’était sa très grande passion. A cette époque, je ne pensais pas devenir collectionneur.

Aujourd’hui quelle est votre motivation ? 

Toujours la curiosité et de vouloir encore évoluer. Jamais le monde ne s’est transformé comme maintenant et ouvre tellement de portes.

Votre rapport au marché de l’art ?

J’ai la curiosité de m’intéresser à tout, le marché de l’art était partie du panel de mes réflexions sur l’évolution de l’art. Les prix ont beaucoup évolué dans les deux sens vers le haut pour certains artistes et la disparition pour d’autre mais c’est le jeu dans tous les domaines aussi autres que l’art. Pour être collectionneur, il faut être au courant du marché et surtout visiter beaucoup d’expositions, de biennales et musées. Il faut connaître l’histoire de l’art car les modes se font et se défont très très vite. En ce qui me concerne, collectionner, faire du sport, etc… font partie de mes passions.

Le courant artistique qui vous touche le plus ?

Tout me touche et je n’ai pas de critères car le monde avance et il faut continuer à être curieux. Je m’intéresse aussi à l’art précolombien, l’architecture, l'écologie et bien sûr à la politique internationale.

La qualité principale du collectionneur ?

La patience, la curiosité, la connaissance.

Croyez-vous à la vente d’œuvres d’art en ligne ?

Oui cela fait partie de l’évolution de notre société et cela ne s'arrêtera pas là, pour les œuvres majeures la discrétion est de rigueur.

Quel est le rôle d’un musée d’art contemporain ?

L’histoire de l’art est de donner à son public le plaisir d’évoluer et d’apprendre. Il doit aussi être ouvert en pensant au patrimoine en évitant les conflits d’intérêt. Être sélectif et savoir qu’il y a beaucoup de prétendants mais peu d’élus. Exposer dans un musée pour un artiste c’est la cerise sur le gâteau, c’est une consécration, le reste ce sont des centres d’arts qui font l’actualité artistique et les étapes préliminaires tout le long de leur carrière.

Pour un bon musée, il faut une ligne précise avec une politique d’acquisition en accord avec le programme du musée et un directeur engagé et clair avec ses choix, être sélectif.

Que pensez-vous de la prolifération des foires d’art contemporain ?

Elles sont nécessaires car les galeries qui sont les exposants payeurs en ont besoin pour rencontrer les collectionneurs surtout s’ils font un travail de chercheur difficile et important dans des régions souvent pas propice à leurs marchés. Ils ont besoin de ces manifestations pour pouvoir survivre, cela doit faire partie de leurs budgets de fonctionnement.

Quelle est la tendance aujourd’hui sur le marché de l’art ?

La mode et la spéculation qui ont toujours été présentes et qui ne vont pas toujours de paire avec le marché culturel. Il y a beaucoup de riches sans connaissance qui achètent très cher pour investir ce qui fausse le marché de l’art. Le marché est ce qu’il est. C’est un autre débat.

L’œuvre d’art est-elle un objet sacré ?

Non elle est un plaisir pour ceux qui peuvent en profiter et elles doivent être ouvertes au plus grand nombre. Il faut du temps pour juger de la validité d’une œuvre au niveau culturel. L’histoire nous a donné la chance grâce à des génies qui ont crée quelques icônes. Je ne sais pas ce que c’est sacré. Je juge selon ma culture et ce que le temps m’a permis d’assimiler.

Quel est votre dernier coup de cœur ? 

Une installation de Gian Maria Tosatti, une œuvre intéressante d’un artiste italien qui ouvre pour moi de nouvelles portes. Cette œuvre fait environs 100 mètres carrés donc je n’en profiterai jamais physiquement. L’artiste m’était inconnu il y a une année mais en lisant des textes cela m’a beaucoup interpellé. Il fera le pavillon italien de la prochaine Biennale de Venise.

Quelle est pour vous la ville la plus artistique ?

Mon terrain est le monde et avec les moyens d’aujourd’hui on est très vite partout et au courant de ce que l’on veut savoir. Il se passe toujours quelque chose quelque part. Certaines villes sont plus stimulantes que d’autres … je dirai New York, pour l’activité des artistes et une scène très vivante. Paris pour des grandes expositions. L’Asie m’a aussi toujours fasciné il y a de l’art partout.

Que devient votre importante collection d’art contemporain ?

Elle est aux Ports Francs de Genève ou un peu à la maison avec des rotations. Je suis trop occupé dans mes projets donc au point mort. L’année prochaine, nous montrerons au Mambo à Bogota et dans deux autres lieux, la collection de films et de vidéos et je pourrais faire mon autocritique. On verra avec le temps.