Pierre-Henri Jaccaud SKOPIA
La galerie Skopia a été fondée en février 1989 à Nyon par Pierre-Henri Jaccaud. Depuis 1993, elle expose à la foire de Bâle. En 1994, elle déménage à Genève dans le quartier des Bains.
Votre rôle dans le monde artistique ?
Passeur, rêveur et acteur.
Quel a été le déclic ?
Aucune idée de l'origine de tout cela. Mes parents étaient ouvriers, à la maison nous n'avions pas de livres, pas de tableaux, pas de disques. A l'âge de 7 ans environ, j'ai découvert le cinéma dans une salle de notre quartier, le Nord-Sud. Littéralement, cela a été une illumination, c'était totalement magique, merveilleux. C'était bien sûr un monde de rêves mais dans la salle, j'y croyais. Plus tard, vers 30 ans, dans des circonstances très curieuses, j'ai eu l'occasion de remplacer au pied levé un assistant dans une petite galerie, ceci en dehors de mon métier d'instituteur. Le propriétaire m'a confié les clefs de la galerie et est parti produire un film. Il y avait des murs blancs, de la lumière, des oeuvres d'art au mur, des gens qui venaient et je pouvais leur parler. Cela a été comme la rencontre de l’allumette dans le bidon d’essence. J’ai senti, j’ai su que c’était ma vie ! Je n’ai pas arrêté depuis.
Aujourd'hui quelle est votre motivation ?
Le plaisir, toujours. De faire, de montrer, de découvrir, de discuter.
Votre rapport au marché de l'art ?
Il faut faire avec, comme on dit dans le monde paysan ! J'essaye de garder la bonne distance, je dirais une distance respectueuse avec certaines illusions ou tentations. A l'image de Woody Allen lorsqu'il disait : "je n'aime pas tellement la réalité, mais c'est le seul endroit que je connaisse où l'on mange de bons steacks". J'ajouterais que je ne suis pas personnellement un grand amateur de viande …
Le courant artistique que vous préférez ?
Je ne parlerais pas en terme de courant. J'ai été très influencé par le minimalisme, l'abstraction, c'était pour moi une clé d'entrée mais aujourd'hui je suis moins attaché "aux formalismes". J'essaye d'aborder une oeuvre de manière "individuelle" avec, j'espère, moins d'à priori. La forme et le fond sont indissociables, mais il n'y a pas qu'une forme, il n'y a pas qu'une vérité. Avant tout, dans chaque oeuvre, je cherche l'espace. Un espace de pensée.
La qualité que vous préférez chez un artiste ?
Etre touché par son travail
Ce que vous redoutez le plus chez un artiste ?
Ne pas l'être !
Quel est le rôle d'un musée d'art contemporain ?
Viser haut, se tenir droit, ouvrir le jeu.
L'oeuvre d'art est-elle un objet sacré ?
Cela dépend ce qu'on entend par "sacré" ! pour moi, une oeuvre est réussie si elle contient une idée, un sentiment, un souffle, un élément de vie. Et mérite donc un respect absolu. Mais je me rappelle aussi d'une histoire très belle. On raconte que Giacometti à qui on demandait : "Si votre atelier brûlait, que sauveriez-vous ?" . Sa réponse fût : "le chat".
Quelle est pour vous la ville la plus artistique ?
Aucune, mais aucune idée !
Que seriez-vous sans l'Art ?
Je ne sais pas ! C'est juste inimaginable pour moi. Je crois sincèrement que l'art est une chose qui nous définit en tant qu'être humain. Les animaux ne produisent pas d'art, les humains si. Pourquoi ? je n'en sais trop rien mais je suis convaincu que l'art est aussi nécessaire que l'air, l'eau, et la nourriture. Aucun homme ne peut vivre sans art, poésie ou musique. Je suis sûr que le dernier des hommes, peut-être pour se sentir moins seul, sifflera, dansera, se racontera une petite histoire et fera un dessin dans le sable.