Fabienne Levy
Fabienne Levy inaugure sa galerie à Lausanne en 2019 et à Genève en 2023 présentant toujours les mêmes artistes dans les deux lieux simultanément. Cette approche de double exposition souligne sa mission d'approfondir les récits de l'œuvre de chaque artiste.
Votre rôle dans le monde artistique ?
Mon rôle s’attache à celui de ma galerie qui sert de plateforme dynamique pour présenter des artistes qui créent des œuvres reflétant véritablement l'essence de notre époque. Leur travail témoigne du pouvoir de l'art à capturer la fragilité de notre époque et à évoquer des émotions profondes. À travers les expositions de la galerie, je cherche à favoriser le dialogue entre les artistes et le public, en encourageant une meilleure compréhension et appréciation de l'art contemporain sous toutes ses formes, mais aussi en poussant le spectateur à se poser des questions sur les différentes cultures, identités et héritages.
Quel a été le déclic ?
Mon éducation a été profondément imprégnée par le monde de l'art. Ce voyage m'a conduit à l'envie de mettre en valeur les artistes à travers des expositions solo, leur offrant une liberté créative totale, et créer un lien authentique entre le public et leurs expressions artistiques. Mon objectif ultime est de briser les barrières traditionnelles de l'art, d'étendre son influence au-delà des cercles privilégiés à un public plus large et plus diversifié. En faisant cela, j'espère développer une compréhension de l'impact profond que l'art peut avoir sur nos vies
Aujourd’hui quelle est votre motivation ?
Ma motivation actuelle tourne autour de l'expansion de la collaboration à travers divers domaines artistiques. Lors de la semaine de la Geneva Art Week je lance une collaboration unique avec un jeune musicien talentueux qui a la liberté de sélectionner les morceaux qu'il souhaite interpréter aux côtés des œuvres de Tang Shuo. La fusion de la musique et de l'art visuel est unique car elle permet d’apprécier les deux formes d'expression artistique d’une façon différente. Mon intention est d'intégrer des collaborations musicales dans toutes nos expositions, reflétant ainsi une évolution du paysage de la galerie d'art, où je peux explorer des nouvelles synergies.
Votre rapport au marché de l’art ?
À mes yeux, le marché de l'art constitue une gamme dynamique d'opportunités pour les artistes afin de trouver leur place dans le monde des collectionneurs. Il agit comme un baromètre des sentiments et tendances prédominantes au sein de la communauté artistique. En tant que galerie, je suis profondément investie dans le fait d'être un participant actif de ce système. Mon engagement se manifeste à travers ma participation à des foires d'art et mes efforts continus pour nouer des liens avec de nouveaux collectionneurs. Ce faisant, je contribue non seulement à la croissance et à la visibilité de nos artistes, mais je m’immerge également dans les rythmes et les humeurs en constante évolution du monde de l'art.
Le courant artistique qui vous touche le plus ?
Le fauvisme m'a toujours profondément touchée. La manière audacieuse dont les artistes fauves utilisent les couleurs vives suscite en moi une réelle émotion. Cela me permet de m'évader complètement dans l'œuvre, révélant une forme d'expression libre et sans limites. De nombreux artistes que je représente dans la galerie explorent de manière personnelle l'utilisation des couleurs.
La qualité principale du collectionneur ?
La curiosité est la qualité essentielle pour un collectionneur. Un collectionneur curieux est toujours en quête de nouvelles connaissances et ceci le pousse à explorer le travail de différents artistes jeunes ou connus. Je pense aussi que garder un côté ludique dans la pratique de collectionner permet de rester ouvert d’esprit, de s’amuser et de profiter de chaque étape. Cela signifie ne pas prendre les choses trop au sérieux, être prêt à explorer et se concentrer sur le plaisir intrinsèque de la découverte.
La qualité que vous préférez chez un artiste ?
J’aime que l’artiste ait le courage de sortir de sa zone de confort. Ses peurs, ses ”challenge” sont souvent les catalyseurs de ses plus belles oeuvres.
Croyez-vous à la vente d’œuvres d’art en ligne ?
Absolument. La vente en ligne fait partie intégrante aujourd’hui des aspects du marché. Il permet aux collectionneurs du monde entier de trouver les œuvres des artistes qu’ils aiment. D’une certaine façon c’est une démocratisation du marché donnant un accès à beaucoup plus de monde. Rien ne peut remplacer le fait de voir une œuvre d’art en personne, mais souvent les collectionneurs connaissent déjà le travail de l’artiste lorsqu’ils l’achètent en ligne.
Quel est le rôle d’un musée d’art contemporain ?
Le musée contemporain a plusieurs rôles. Tout d'abord, il représente un espace de rencontre où le public se rassemble autour de l'art, favorisant ainsi les échanges d'idées. Ensuite, le musée agit comme une mémoire collective de l'époque actuelle, préservant ainsi les témoignages artistiques de générations qui capturent notre réalité. Enfin, son troisième rôle consiste à encourager et à promouvoir le travail des jeunes artistes en leur fournissant une plateforme pour exposer leurs créations, parfois même en les soutenant dans leur démarche artistique.
Que pensez-vous de la prolifération des foires d’art contemporain ?
Dans un contexte où l'art s'est mondialisé, le nombre de foires d'art a considérablement augmenté. Je soutiens l'idée d'ouvrir l'art à un public plus large et cette prolifération de foires contribue à cette ouverture. Nous sommes présents à de nombreuses foires, car cela nous permet de présenter les œuvres de nos artistes de manière directe et authentique. Prenons par exemple Alina Frieske, dont les créations sont composées de multiples fragments. Elles sont difficiles à apprécier pleinement sans une rencontre véritable de l’oeuvre. Dans cette logique, nous avons prévu de participer à Art Athina dans quelques jours, puis Untitled à Miami, Art Genève si possible, Art Paris, Milan et peut-être même Dallas.
Quelle est la tendance aujourd’hui sur le marché de l’art ?
Ces dernières années, il est évident que la tendance prédominante se tourne vers l'art figuratif, en particulier la peinture. Je crois que dans notre monde globalement chaotique, marqué par l'avancée spectaculaire des technologies, la recherche du figuratif apaise. Il y a un retour d’intérêt sur des artistes plus anciens comme l’italien Salvo et une ouverture sur les œuvres sur papier jusqu’ alors dédié à un public beaucoup plus spécifique.
L’œuvre d’art est-elle un objet sacré ?
Non. Aujourd’hui, pour un collectionneur, une œuvre d'art représente une source de passion et de fierté personnelle. Pour la société, elle devient un précieux témoignage de sa culture et de son identité. Quant à un musée, il considère chaque œuvre comme un fragment de mémoire artistique et historique. Il est clair que dans de nombreuses cultures du passé, les objets artistiques revêtaient des connotations sacrées et religieuses. Par exemple, les icônes religieuses de l'art byzantin étaient vénérées non seulement pour leur beauté artistique, mais aussi en tant qu'objets de dévotion sacrée. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Quel est votre dernier coup de cœur ?
Deux coups de cœur. Le premier est l'artiste que je mets en lumière ce mois de septembre, Tang Shuo. Sa peinture et son récit résonnent profondément en moi. Bien que l'artiste demeure le protagoniste de ses toiles, il nous livre des récits ancrés dans le passé. Mais ses visages d’une certaine façon nous appartiennent, malgré leur histoire, ils nous sont familiers. Il peint l’humanité.
Mon second coup de cœur s'adresse au travail d’une jeune artiste Suisse Anjesa Dellova. La première fois que j’ai vu ses toiles, j’ai ressenti une fragilité indescriptible et en même temps une grande violence. C’est juste magnifique.
Quelle est pour vous la ville la plus artistique ?
Berlin sans aucun doute. Elle abrite une scène artistique incroyable. Son architecture, son histoire fait d’elle une ville unique au monde. Elle abrite une grande créativité.
Que seriez-vous sans l’Art ?
Je cherche, mais je n’ai pas de réponses pour cette question, ce qui est une façon d’y répondre en soi.