Adélie de Ipanema
Co-fondatrice de Polka
Polka Galerie + Polka Magazine + Polka Factory à Paris
Votre rôle dans le monde artistique
Mon rôle est pluriel. Avoir une galerie c’est d’abord choisir les artistes que je représente, ils peuvent être déjà reconnus ou être en devenir. Chez nous, chaque génération va apporter énormément à l’autre : ils apportent tous une écriture photographique singulière, marquée par la volonté d’utiliser le médium pour explorer un contexte documentaire. C’est cette écriture qui caractérise Polka.
Ensuite, c’est d’accompagner les artistes dans le processus de la création, de pouvoir les laisser s’exprimer puis de les produire et enfin de les montrer à la galerie, à travers une exposition mais aussi dans notre magazine à travers un portfolio.
On ne regarde pas les images de la même façon sur des murs que dans des pages de livres ou de magazines. Avoir un support éditorial est toute la force de Polka, cela nous permet de découvrir la photographie sous toutes ses formes.
Quel a été le déclic ?
Dès la fin de mes études de Droit et de Sciences Politiques, j’ai commencé à travailler dans les médias. Au début, pour la télévision et, ensuite pour la grande agence Gamma, c’est ici que j’ai appris ce qu’était vraiment le métier de photographe : composer une série, éditer les images, les retoucher etc. Mais déjà le numérique avait révolutionné certains principes et les photographes devaient réfléchir à un autre modèle économique. Le monde de la presse et de l’édition étaient en train de changer.
C’est tout ce bouleversement qui m’a intéressé et qui m’a donné l’idée de lancer une galerie de photographie, au départ entièrement dédiée au photojournalisme. Ces photographes étaient à l’époque très peu représentés alors que leurs travaux avaient toute leur place dans le marché de l’Art. Preuve en est aujourd’hui ! Nous avons donc lancé Polka Galerie, puis quelques mois plus tard, avec mon père, ancien directeur de Paris Match, nous avons lancé le magazine éponyme « Polka magazine », une revue entièrement dédié au photojournalisme avec une partie dédiée à l’actualité et une autre dédiée au marché de l’Art.
Aujourd'hui, quelle est votre motivation?
Polka a pour ambition de rendre compte de la réalité du monde et de ses évolutions sociales et culturelles par le biais de la photographie. C’est ce que nous souhaitons continuer de montrer, aussi bien à la galerie avec des expositions qui ont du sens, que dans le magazine et sur le digital (de plus en plus présent), de manière éditoriale. Aujourd’hui, avec la crise que nous sommes en train de vivre, il y a beaucoup de choses à dire. En juillet, nous lançons une nouvelle exposition sur « Les jours d’Après », chaque artiste doit s’exprimer sur le monde de demain. La photographie est vivante, et surtout très réactive. C’est une grande chance.
Aujourd’hui, nous sommes très heureux d’accueillir entre 1500 et 2000 personnes à chaque vernissage et 25.000 visiteurs par an. Notre communauté est fidèle et reste à l’écoute de nos différentes animations. Polka a pour vocation d’être le rendez-vous incontournable de la photographe et surtout d’être au service de la photographie : c’est cela notre motivation essentielle.
Votre rapport au marché de l'art ?
Nous avons évidemment un rapport très proche !
Notre travail est d’accompagner la cote d’un photographe, et donc de rendre ce marché le plus contrôlable possible.
Nous devons donc placer leurs travaux dans des institutions, les grandes collections publiques et privées. Suivre les ventes aux enchères, s’assurer que ce qui passe en second marché est toujours de belle qualité. Montrer les travaux de nos artistes dans les grandes foires, réaliser de belles expositions.
Un artiste existe parce qu’il est vu et exposé, parce que l’on parle de lui. C’est notre rôle de le faire. Nous sommes des passeurs.
Le courant artistique que vous préférez ?
La photographie documentaire, l’essence de la photographie. Louis Arago présentait cette invention comme un instrument au service de l’art et du savoir, le terme documentaire s’imposera finalement bien plus tard… J’aime beaucoup cette notion d’être au service de l’art et du savoir.
Pour moi, ce qui m’intéresse c’est lorsqu’une photographie raconte quelque chose, rapporte un message. Ce qui n’empêche surtout pas, d’avoir ensuite sa propre interprétation.
La qualité que vous préférez chez un artiste ?
Sa faculté à créer. On aura beau donner tous les conseils, c’est lui qui va réussir à construire quelque chose tout seul. Nous ne sommes que des accompagnateurs.
Ce que vous redoutez le plus chez un artiste ?
Qu’il n’arrive plus à créer ! ou qu’il me quitte, c’est toujours vécu comme un divorce…
Quel est le rôle d’un musée d’art contemporain ?
Le rôle d’un musée d’art contemporain, c’est de montrer ce que nous ne pouvons pas montrer en galerie. De rester ouvert, d’être précurseur.
L’oeuvre d’art est-elle un objet sacré ?
Evidemment. Une œuvre d’art, c’est magique. C’est un objet qui nous accompagne toute une vie, elle nous émeut, elle nous parle. On peut tomber amoureux d’une œuvre d’Art.
Quelle est pour vous la ville la plus artistique ?
Paris, sans hésiter.
Que seriez-vous sans l’Art ?
L’Art nous accompagne partout.
Même si beaucoup, malheureusement, ne s’en rende pas compte.
Pendant cette période de confinement par exemple, que serions-nous devenus sans livre, sans film, sans passion…. sans l’Art ? Pas grand chose..