Les Expos de l'été II : Christo
Christo posent ses bidons à Londres
Pas moins de 7 506 bidons sont empilés sur le lac Serpentine à Hyde Park, Londres. Ce mastaba, du titre de l’œuvre, reproduisant la forme des antiques édifices funéraires égyptiens, fige l’espace autour de lui. Posée sur l’eau placide du lac artificiel, l’œuvre laisse libre cours à toutes les interprétations. Dénonciation de la pollution ? Hommage aux disparus ? Sublimation de la forme géométrique ? L’interprétation est libre, telle que l’a voulue l’artiste.
Arrimés à une plateforme, les bidons de couleurs, - blanc et rouge d’un côté, bleu, mauve et rouge de l’autre -, stimulent le regard, accrochent la lumière. Leur contemplation fait naître un mouvement malgré l’immobilité massive et silencieuse de la structure, à la manière du pointillisme en peinture. « Les couleurs qui changeront avec la lumière et se reflèteront dans le lac formeront une peinture abstraite » a déclaré l’artiste. Les dimensions du mastaba (40 mètres de longueur, 30 mètres de large, 20 mètres de hauteur) lui permettent d’être appréciée à partir de nombreux points de vue, multipliant les perspectives.
Ce n’est pas la première fois que Christo fait appel aux bidons. Il les utilise depuis 1958. L’artiste en apprécie le faible coût et leur qualité esthétique. En 1961, il avait rempli une salle entière de barils lors d’une exposition à Cologne. En 1962, l’artiste américain né en 1935 en Bulgarie, avait érigé un mur de tonneaux métalliques, rue Visconti à Paris, transformant la rue en impasse, en écho au mur de Berlin et du bloc de l’Est qu’il avait fui.
C’est la première fois que l’artiste, connu dans le monde entier pour avoir emballé le Pont-Neuf à Paris en 1985 (The Pont Neuf wrapped), ou encore, le parlement allemand à Berlin en 1995 (Wrapped Reichstag), crée une œuvre à ciel ouvert dans la capitale britannique. En marge, la Serpentine Gallery organisent une rétrospective de l’artiste, la plus grande depuis celle organisée en 1979, à voir jusqu’au 9 septembre 2018. « Christo and Jeanne-Claude : Barrels and The Mastaba 1958-2018 » retrace 60 ans de pratique artistique à partir du bidon en fer à travers des dessins, sculptures, collages et photographies.
Jeanne-Claude, sa femme et partenaire artistique est décédée en 2009. L’œuvre londonienne et sa référence aux tombeaux de l’ancienne Égypte pourrait se lire à l’aune de l’être aimé et disparu pour lequel la mémoire érige un monument. Ode à l’amour, évocation de la séparation, passage vers la vie éternelle… autant d’interprétations possibles pour ce mastaba, à voir jusqu’au 23 septembre 2018.
The London Mastaba, de Christo et Jeanne-Claude. Par The Serpentines Galleries et The Royal Parks.